"Qui ne sait pas ?"
L’Association humanitaire pour les droits de l’Homme et la
démocratie en Iran a été créée en 2011. Ses membres militent contre le régime
iranien, dénonçant sans relâche les violations des libertés fondamentales, les
atteintes aux droits de l’Homme.
Au cours des trois dernières décennies, il y a eu plus d’exécutions en
Iran pour des motifs politiques que dans n’importe quel autre pays du monde.
Nous avons rencontré Batool Feghahaty et Farideh Ab Salan, respectivement
Présidente et Trèsorière de l’association.
Pour comprendre le
sens de votre association, pouvez-vous nous dire quelques mots sur le contexte
de votre venue au Luxembourg ?
Batool Feghahaty : Je suis arrivée au Luxembourg en décembre
2004 et j’ai demandé le statut de réfugiée politique. La liberté d’expression
n’existe pas en Iran. J’ai passé 6 années en prison et mon mari 4 années. Une
fille de 17 ans était avec nous, elle a été exécutée par le Gouvernement. Je ne
pourrai jamais oublier. J’ai également perdu mon frère qui était étudiant et
qui a été exécuté. Ce n’était plus possible pour moi de rester. Voilà pourquoi
je suis partie.
Farideh Ab Salan : En février 2007, je suis venue rejoindre
mon mari qui était déjà au Luxembourg depuis 2004. Moi aussi, j’ai perdu mon
frère, simplement parce qu’il vendait des journaux. Mon mari a passé 5 années
en prison. En Iran, il est difficile d’avoir une vie normale pour quelqu’un qui
est actif en politique. J’ai encore de la famille là-bas. Elle a été menacée.
Ils ont dit à mon frère que je pouvais revenir, que l’Iran était un pays libre,
que ma mère m’attendait… ce ne sont que des mensonges. Mon frère m’a dit : « Si
tu penses que ton chemin est juste, tu continues ». Mon père est décédé il y a
deux mois et demi et je n’ai pas pu le revoir une dernière fois…
En 2011, vous avez créé l’Association
humanitaire pour les droits de l’Homme et la démocratie. Dans quel but ?
Farideh Ab Salan : Notre pays est très important pour nous ;
nous sommes une voix pour les Iraniens d’Iran car nous pouvons parler
librement. La plupart des Iraniens du Luxembourg ne sont pas réfugiés
politiques. Ils représentent une immigration plus ancienne. Un certain nombre
est de religion baha’ie et ne s’engage donc pas politiquement. Voilà pourquoi, nous
avons décidé de créer cette association. Nous croyons aussi que le Clae est une
place où l’on peut dire notre parole.
Batool Feghahaty : Nous avons constitué l’Association
humanitaire pour les droits de l’homme et la démocratie en Iran parce que nous
ne pouvions pas rester sans rien faire. En 36 ans, la république islamique a
exécuté 120.000 personnes. En 1988, 30.000 prisonniers politiques furent tués
en l’espace de quelques mois seulement. J’ai vu les dernières informations,
aujourd’hui une femme a été exécutée. Voilà pourquoi nous militons.
Farideh Ab Salan : Nous nous sommes engagés pour dire ce qui
se passe en Iran. Depuis deux ans, il y a un nouveau président, Rohani, soit
disant modéré. Lorsqu’il a été élu, le monde avait espoir que la situation des
droits de l’Homme s’améliorerait. Bien au contraire, sous la présidence de
Rohani, contre toute attente, l’Iran a porté le nombre d’exécutions par
habitant à son plus haut niveau mondial. Un dictateur n’est pas une personne
modérée. Non, vraiment ce n’est pas possible…
Quelles sont les
actions que vous menez ?
Farideh Ab Salan : Quoi qu’il se passe en Iran, nous le
diffusons sur notre blog, sur twitter et facebook. Nous dénonçons toutes les
violations des droits de l’Homme. L’Iran est un Etat fasciste religieux. Les
minorités religieuses comme les baha’ies ne peuvent pas participer à la société
comme nous, ils n’ont pas accès à l’université. Le nombre d’églises a été
réduit. Les femmes sont discriminées ; elles ont l’obligation de porter le
foulard sinon elles risquent la prison. On ne peut pas accepter cela. Chaque
nuit, nous mettons sur notre blog des nouvelles qui viennent d’Iran, chaque
nuit nous faisons des twitts aux médias du Luxembourg. Chaque nuit, sans arrêt.
Qui ne sait pas ? A chaque situation qui se présente, dans le train, dans le
bus ou à mon cours de français, je parle pour mon pays. Les gens comprennent parce que vraiment nous avons beaucoup de
douleurs encore.
Batool Feghahaty : Notre association s’inscrit dans un
mouvement international qui s’appelle La résistance iranienne. Des rencontres
sont organisées à Paris, Bruxelles, en Suisse, en Italie. Le 10 octobre
dernier, nous avons participé à une conférence sur la situation des droits de
l’Homme à Paris à l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort.
Chaque année en juin, il y a un grand rassemblement de La résistance iranienne
à Paris. Nous nous mobilisons et organisons deux, trois bus au départ du
Luxembourg. Toute personne qui souhaite venir est la bienvenue. Ce meeting a
réuni en juin 100.000 personnes.
Des hommes politiques, des personnalités de tous les pays participent à
ces rencontres.
Farideh Ab Salan : Nous sommes préoccupés par la situation
des 2.200 réfugiés iraniens au Liberty Camp en Irak. Le gouvernement irakien a
mis en place un blocus inhumain. Les denrées alimentaires arrivent
difficilement. Ces réfugiés sont
privés de médicaments, de traitements. Plus de 400 ont été déplacés vers l’Albanie
pour être soignés. La communauté internationale doit intervenir pour obliger le
gouvernement irakien à lever le blocus. Différents pays de l’Union européenne,
le Luxembourg, l’Allemagne, la France pourrait accueillir un certain nombre de
réfugiés de ce camp, qui est une prison.
Batool Feghahaty : Le jeudi 29 octobre à 19h45, le Liberty
Camp a été attaqué par des roquettes. Il y a eu 23 morts et un nombre
considérable de blessés dont plusieurs dans un état très grave. C’est un crime
contre l’humanité ! Notre association condamne cette attaque. Le Gouvernement
américain et l’ONU doivent cesser leur comportement irresponsable par rapport à
la sécurité de ce camp de réfugiés.
Paru dans Horizon n°132, novembre 2015
Humanitäre Assoziation (HA) für Menschenrechte und Demokratie im Iran
6, rue Bender L-1229 Luxembourg
site:
http://as-human-lu.blogspot.lu/
Vous pouvez soutenir l’association en versant un don sur le
compte IBAN LU47 1111 7004 9962 0000 (titulaire : Humanitäre Assoziation (HA) asbl
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