LIKABA, un rendez-vous des cultures afro-antillaises
Créée il y a un peu plus
de deux années, LIKABA est une toute jeune association constituée en asbl en
avril 2014 qui ne manque pas de dynamisme, d’idées et de créativité. Nous avons
rencontré Lynsay Mabe et Mute Dunia, respectivement présidente et
vice-président de l’asbl.
Pouvez
vous nous présenter votre association ?
Lynsay Mabe : Nous avons
pensé cette association comme un carrefour, un rendez-vous des cultures
africaines et antillaises. Notre équipe est actuellement constituée de
personnes issues de cultures camerounaise, congolaise, sénégalaise, ivoirienne,
burundaise. Ceci dit, nous sommes constamment ouverts à l’adhésion de nouveaux
membres. Nous sommes descendants d’Africains nés pour la plupart en Europe et
nous portons donc une double culture, la culture africaine et la culture d’ici
où nous avons grandi. Et c’est cette double richesse que nous avons envie de
partager, de faire connaître. LIKABA signifie le partage en langue Bassa (un
peuple bantou du Cameroun).
Mute Dunia : Elle
s’inscrit dans le panafricanisme, un courant de pensée qui vise à rassembler dans
un projet plus ou moins commun et global toutes les personnes de culture
africaine qu’elles soient d’Afrique, des Antilles, des Etats-Unis, d’Amérique
Latine ou d’Europe. Nous partageons des valeurs communes même si nous sommes
aussi différents. Mais nous avons plus à gagner en travaillant ensemble qu’en
nous opposant. LIKABA essaie un peu de refléter cela. Nous ne faisons pas de
militantisme, c’est davantage un travail d’éveil des consciences, de
valorisation des cultures afro-antillaises qui ne sont pas assez mises en
avant.
Parlez-nous
des Afro’PéRojections qui rencontrent un joli succès ?
Mute Dunia : Tous les
mois, nous proposons un film ou un documentaire suivi d’un débat. Nous y
abordons aussi bien des problématiques propres à nos communautés que des thèmes
plus larges pouvant intéresser tout le monde. Le 30 juillet par exemple, la
20e édition des Afro’PeROJECTIONS
avaient pour thème le métissage culturel avec la projection du film brésilien
Faroeste Caboclo de René Sampaio. Un thème totalement différent a été celui du
mariage pour tous que nous avions également proposé. Comme autre exemple, je
pourrais encore vous citer la question du poids de la culture dans nos vies.
Ces Afro’PeROJECTIONS sont l’occasion de débattre, de nous exprimer sur des sujets
sur lesquels on n’est pas forcément consultés.
Lynsay Mabe : Nous avions
aussi abordé le problème du colorisme, qui est une discrimination subie en
fonction de la couleur de la peau. Cela conduit à des dérives comme
l’utilisation de produits éclaircissant. Beaucoup de personnes pensaient que
c’était un problème propre au Congo.
Or, il existe aussi au Sénégal, au Cameroun, dans d’autres pays
d’Afrique et en Europe. Lors de cette soirée, une Espagnole a dit : « Mais
c’est la même chose en Espagne. Si tu es bronzé, on voit que tu viens des
champs et que tu n’es pas issu d’une bonne famille. » Partant d’un problème que
l’on pense local ou propre à un pays, on se rend compte qu’il est présent
ailleurs. On fait ainsi des liens, des ponts entre des pays, des cultures, des
traditions ou phénomènes de société. On trouve des similitudes et c’est cela
qui est d’autant plus intéressant. Nous proposons également des thèmes liés à
l’histoire de nos parents car nous souhaitons aussi faire un travail de
mémoire. Nous sommes nés ici et
c’est important de connaître notre histoire pour mieux avancer. Une
Afro’PeROJECTIONS avait été consacrée aux tirailleurs sénégalais.
Mute Dunia : Ces échanges
nous permettent de déconstruire des préjugés qu’ils soient des Africains envers
les Africains ou des Européens vers les Africains. Je voudrais également
rajouter que ces rendez-vous sont pour certaines personnes une manière de
rencontrer du monde, de lier amitié. Le projet de LIKABA est également de dire
aux gens que l’on n’a pas de raison d’être complexé, de se cacher. On est là et
on a aussi une richesse à apporter au Luxembourg. On la partage et chacun est
le bienvenu.
Toujours dans cet esprit
de rencontres conviviales, vous proposez encore d’autres rendez-vous ?
Lynsay Mabe : Oui, nous
organisons
tous les trimestres trois
autres types de rendez-vous : le Book
Club qui est une rencontre discussion sur un livre, les cours de cuisine
africaine et les Game Nights qui sont des soirées où nous proposons soit des
quizz, soit des jeux traditionnels où les participants sont amenés à découvrir
des jeux qui ont fait l’enfance d’autres personnes. Un blind test des musiques
afro est également en préparation.
Mute Dunia : Nous invitons
de temps en temps à des conférences-débats, comme celle intitulée « L’Afrique
a-t-elle les moyens suffisant pour combattre les maladies qui la menacent ? »
qui était axée à la fois sur Ebola, le paludisme et le sida.
Vous avez vos propres
événements et vous vous faites l’écho de projets d’autres associations.
Pourquoi ?
Lynsay Mabe : Il y a un
certain nombre d’événements autour de la culture africaine au Luxembourg
organisés par des associations. Cependant, nous avons l’impression que
l’information ne circule pas suffisamment. Voilà pourquoi, nous souhaitons être
une plate-forme d’informations pour relayer ce qui se passe dans les autres
associations afro-antillaises. Le Festival des migrations, des cultures et de
la citoyenneté nous a permis de rencontrer un certain nombre d’associations à
qui nous avons présenté notre démarche. Des collaborations vont par ailleurs
découler de ces rencontres.
Quels
sont vos projets pour cette rentrée ?
Lynsay Mabe : Les
Afro’PeROJECTIONS reprendront le vendredi 25 septembre à 19h avec la projection
du documentaire Good Hair de Chris Rock qui introduira un débat sur le cheveu
crépu, mal considéré, contrairement au cheveu lisse, qui est la référence. La
soirée aura lieu au CITIM, 55 avenue de la Liberté à Luxembourg, comme toutes
les Afro’PeROJECTIONS.
Mute Dunia : Nous travaillons
actuellement à la réalisation d’un site internet afin de toucher davantage de
personnes, de donner plus de visibilité à notre association. Dans cette même
idée, nous envisageons de créer une newletter avec un calendrier d’événements
et pourquoi pas dans un avenir proche animer une émission radio. Nous ne
manquons pas de motivation, de créativité. C’est vraiment notre point fort. Les
ressources financières ne sont malheureusement pas à la hauteur de nos
ambitions. Notre association est entièrement auto-financée. Nous aimerions bien
décoller car nous avons des idées. Innover, se démarquer, créer, se réinventer
et surtout partager, c’est vraiment ce qu’il faut retenir de LIKABA.
Propos
recueillis par Claudine Scherrer
In Horizon 131, septembre 2015
In Horizon 131, septembre 2015
LIKABA asbl - 1, Grand rue L-4132
Esch/Alzette
likaba.asbl@gmail.com
https://www.facebook.com/likaba.asbl
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