Najat El Hachmi : Écrivaine catalane « malgré vos origines » ?


Née à Nador (Maroc) en 1979, Najat El Hachmi est arrivée en Espagne à l’âge de huit ans. Elle a publié Jo també sóc catalana (Moi aussi je suis catalane). Son roman L’últim patriarca (Le dernier patriarche) a remporté le prix Ramon Llull en 2008.

Écrivaine catalane « malgré vos origines » ?

Comme tous les écrivains, j’observe la réalité qui m’entoure. À travers l’écriture, j’essaye d’appréhender le monde et de me protéger de ce qui me blesse, me déplaît ou m’indigne. J’ai grandi dans un lieu autre que celui de ma naissance. Je trouve un avantage d’avoir été spectatrice de réalités sociales, culturelles et religieuses différentes. On dirait que ceux qui accordent plus d’importance à mon origine qu’à mon écriture dévalorisent mon travail, ou du moins ne le considèrent pas au même niveau de celui des autres écrivains. Parfois on sent du paternalisme, du mépris, mais souvent de l’admiration. Je suppose que c’est parce qu’on imagine qu’être née à Nador représente un handicap au départ… Heureusement que cela arrive davantage aux médias qu’à mes lecteurs.

Quel est le rôle de la migration dans votre œuvre ?

C’est un contexte qui me permet de mieux exprimer certains sentiments et attitudes humains. La migration est un lieu plein d’histoires où la littérature et la réalité ne sont pas dissociées, c’est un paysage plein de ressources pour la création. Ma position, en tant qu’enfant d’émigrés, est parfois peu confortable, mais me permet aussi d’avoir une perspective qui dépasse celle de ceux d’« ici » ou de « là-bas ». Mal digérée, elle peut provoquer une schizophrénie identitaire. Cependant, si on sait en tirer profit, comme matériel littéraire, cette position devient un point de vue à la fois unique et hybride. Avec les années, j’ai appris à l’apprécier comme une chance et non comme un malheur, quoique, évidemment, il y ait des frictions.

Quels rapports entretenez-vous avec votre pays et votre ville natals ?

Je n’y vais pas souvent, car ma famille se trouve en Catalogne. Or, récemment j’y ai passé quelques jours et il est triste de constater la perte du paradis, non seulement à cause de l’émigration, mais aussi parce que là-bas tout est en train de changer.

Vous avez affirmé que « pour survivre, la littérature catalane doit se laisser contaminer »…

Je crois qu’il existe un cercle d’intellectuels et d’écrivains qui s’acharnent à faire de la littérature catalane quelque chose d’«élevé», comme si elle ne pouvait pas être une littérature normale, avec différents produits culturels, depuis les plus raffinés jusqu’aux plus populaires, depuis les plus minoritaires jusqu’aux plus commerciaux. On dirait qu’on veut faire une littérature de vitrine plutôt qu’une littérature pour les gens. En général, on innove peu, on ne se risque guère et la critique préfère canoniser que faire connaître des propositions nouvelles et différentes. Souvent on rend invisibles ou banales des réalités sociales qui pourraient beaucoup enrichir le panorama littéraire.

Paca Rimbau Hernández

Samedi 14 mars : Festival des Migrations, des Cultures et de la Citoyenneté, Luxembourg
9e Salon du livre et des cultures
15h30, Luxexpo, salle 2 :
Rencontre organisée en collaboration avec le Centre Català de Luxembourg 19h00, Luxexpo, (1er étage) : Rencontre-débat « Femmes, migrations et écriture à l’aube du 21ème siècle »

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