Local revival (2)
Nous
voudrions dans cette deuxième partie d’article poursuivre les quelques
réflexions que nous avions posées à l’occasion de la parution du dernier numéro
d’Horizon
et ainsi revenir sur le thème de l’intégration locale que nous avions intitulé
« Local revival ».
La loi sur l’accueil et l’intégration de 2008 nous invite à
questionner la réalité de l’espace public local, un espace qui pourrait
paraître plus accessible, plus apte à répondre aux attentes individuelles et
collectives, plus en phase immédiate avec la réalité vécue par les personnes
issues de l’immigration et leur désir de s’inscrire dans la société
luxembourgeoise.
Souhaiter,
dans un contexte mondial et européen de crise de l’Etat et de la
représentation, mettre l’accent sur la participation au niveau local pourrait
effectivement permettre de rapprocher le citoyen de la réalité démocratique et
l’inciter à travers une réalité directement perceptible à partager le devenir
commun de ses concitoyens. Cette volonté ne peut cependant éclipser une
réflexion sur les réalités d’un espace public, qui dernière ses allures de
proximité, reproduit des mécanismes inscrits à plus grande échelle.
Outre le fait que la délibération commune se réduit très
souvent à une gestion de plus en plus technique, il paraît important de
souligner que la politique communale reste imprégnée par une vision très
institutionnalisée qui se focalise sur l’importance du vote et délimite très
souvent la légitimité du pouvoir de décision au conseil communal. S’il est
manifeste que toute personne ou corps élu doit consentir et répondre des
responsabilités qui lui sont confiées, il serait nécessaire que ces
responsabilités n’occultent un lien et une interaction plus large et dynamique
avec l’ensemble des citoyens.
La politique luxembourgeoise reste de ce point de vue trop
marquée par une personnalisation de la vie politique, personnalisation qui nous
incite à faire le choix de représentants, sans que cela n’implique
explicitement un engagement défini par un programme. Nous prendrons pour preuve
la pratique du panachage, qui de l’aveu de tous, permet de voter pour les
personnes que l’on connait. Si ces pratiques portent à sourire et font
finalement partie de la culture politique, elles n’en restent pas moins lourdes
de conséquences pour les potentiels électeurs, qui faute de connaître
personnellement les candidats, ne peuvent ou ne sont disposés à participer à
l’élection. Il est sans dire que cette même pratique encourage une forme de
clientélisme qui crée une confusion entre l’intérêt privé et public et qui faute du même principe appliqué à
tous, gangrène le lien entre les représentants et la population mais aussi
entre l’ensemble des citoyens.
Il est également dommage que le lien, le dialogue et
l’interaction entre le pouvoir communal et l’ensemble des citoyens ne tirent
pas pleinement profit des commissions communales consultatives, qui au lieu
d’être investies par l’ensemble de la population, sont très souvent monopolisées
par les membres des partis politiques. Si certains objecteront que les
commissions communales d’intégration échappent parfois à cette règle, il est
sans dire que ces commissions, depuis leur création, ont peu de légitimité1 et qu’elles
souffrent encore aujourd’hui d’une réelle reconnaissance de la part de
l’ensemble des acteurs politiques locaux.
Une volonté d’expression plus large du politique ne devrait
par ailleurs faire l’économie d’une réelle reconnaissance de l’ensemble des
acteurs qui s’inscrivent et interagissent avec chaque espace local. Nous
estimons dépassé de continuer à renvoyer
dos-à-dos les deux sphères du politique et du civil, alors que les multiples
actions portées par les associations et plus globalement la société civile
restent intrinsèquement porteuses de nouvelles perceptions redessinant de façon
solidaire et souvent pragmatique une manière d’être collective. Si nous
n’opposerons pas ici l’Empire à la Multitude2, il est certain que
l’imperméabilité, entre deux principes politiques, à savoir ceux de
souveraineté et d’inscription sociale, indique et renforce une frontière
empêchant à l’espace public de se réinventer ainsi qu’une certaine rupture du
lien politique. Si cette rupture ne saurait précisément suffire à expliquer
l’ensemble des facteurs participants au désintérêt électoral, il semble certain
qu’elle contribue à renforcer la désunion entre les citoyens et leurs
représentants et qu’elle alimente de façon générale la méfiance vis-à-vis du
système politique représentatif.
In Horizon, novembre 2014
Anita
Helpiquet
CLAE
1Les
commissions communales consultatives ont été crées en 1988 en réponse mais
aussi pour détourner les revendications autour du droit de vote des étrangers
aux élections communales.
2L’Empire
et la Multitude font références aux deux ouvrages de Michael Hardt et Antonio
Negri.
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