« La formation Imbrication s’inscrit dans une démarche d’éducation populaire »



Le Clae propose depuis près de deux années une formation qui s’adresse aux associations héritières de l’immigration. Elle s’intitule Imbrication et se décline en plusieurs modules. Avec Anita Helpiquet, coordinatrice de la formation, nous vous proposons un petit état des lieux.


Pouvez-vous nous présenter en quelques mots la formation Imbrication ?

En fait comme son nom l’indique la formation Imbrication entrecroise plusieurs démarches. Nous avons voulu proposer un espace où se croisent sans jamais s’exclure une réflexion, des éléments de méthodologie et des outils. Beaucoup de formations sont actuellement proposées par le secteur marchand et ont tendance à reprendre les outils du management sans apporter une réflexion sur la société et la citoyenneté.
La formation Imbrication propose précisément de construire une démarche pour que chaque association soit en mesure de construire son projet associatif mais aussi de mobiliser derrière ce projet l’ensemble des membres de l’association. L’idée est importante, car on voit sur le terrain que l’envie de faire des projets n’est pas forcément associée à une réflexion globale et partagée sur le rôle de chaque association. De la même manière, la plupart des associations ont tendance à vouloir se créer très rapidement et ne réfléchissent peut-être pas suffisamment à leur fonctionnement interne. L’engagement au cours des trente dernières années a beaucoup évolué et on ne peut plus aujourd’hui imaginer la même manière de faire que celle qui a assuré le succès des associations dans les années 80. Nous travaillons aussi sur l’élaboration d’un projet d’action et sur les éléments de base de la comptabilité.


Combien d’associations ont participé à cette formation ? Quels types d’association ?

Nous accueillons en moyenne 6-7 associations par formation, ce qui fait pour le moment un total d’une quarantaine d’associations.  En tant que plateforme associative héritière de l’immigration, nous accueillons beaucoup d’associations porteuses de cet héritage mais pas seulement. Nous recevons également des demandes d’associations qui ne partagent pas forcément ces références mais souhaite néanmoins s’engager au Luxembourg ou ailleurs.


Quelles ont été les principales motivations de ces militants associatifs à s’inscrire à cette formation ? A quels besoins du monde associatif répond-elle ?

Les motivations sont diverses et variées. Je pense qu’au départ beaucoup d’associations souhaitent venir à la formation pour être en mesure de répondre à des appels à projet ou maitriser leur comptabilité. Notre démarche n’exclut pas ces éléments importants mais ne veut pas se focaliser sur des aspects qui se voudraient uniquement pragmatiques. Croiser les besoins identifiés et les attentes n’est pas forcément chose évidente mais nous avons dans ce sens sans doute réussi un beau pari. La plupart des associations terminent Imbrication en étant convaincue que les financements ne sont pas le seul nerf de la guerre !
On peut avancer que la formation Imbrication s’inscrit dans une démarche d’éducation populaire qui a été poursuivie par de nombreuses associations pendant de très nombreuses années de manière souvent informelle : donner les moyens à toute personne de penser et d’agir dans la société. Le fait que les associations ressentent aujourd’hui le besoin de suivre une formation, est sans doute lié à un manque de transmission, à des ruptures. Les mouvements associatifs connaissent d’importantes évolutions et à défaut que cette transmission se fasse de manière « naturelle », il est certainement intéressant de créer des espaces qui assurent cette fonction. En quelque sorte, nous n’avons rien inventé de nouveau, nous nous efforçons seulement de transmettre, ce qui nous a été transmis mais aussi puiser d’autres références. Ecouter, observer le terrain est dans ce sens important.


Imbrication est un cheminement à plusieurs associations sur quelques semaines. Un facteur également important, n’est-ce-pas ?

Cheminer est toujours important ! Lors de la dernière formation qui a eu lieu en mai, un des participants a souligné à très juste titre : « Que cheminer seul permet d’avancer vite, mais que cheminer ensemble permet d’avancer loin. » Le côté convivial et l’échange autour des expériences de chacun sont aussi primordiaux. Nous construisons ensemble à partir des expériences et références de chacun mais aussi dans la bonne humeur.


Outre la formation, le Clae soutient depuis sa création les dynamiques associatives héritières de l’immigration, que ce soit lors d’événements interculturels tels que le Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté ou au quotidien lors d’une aide plus personnalisée avec des informations, des conseils ou du prêt de matériel. Comment le mouvement associatif issu de l’immigration a-t-il évolué au cours des dernières années ? De cette expérience avec les associations, comment percevez vous leur rôle, leur implication dans la société actuelle ?

Le mouvement associatif dans son ensemble connaît depuis une vingtaine d’années une importante recomposition. Cette recomposition est d’abord d’ordre sociologique. Nous constatons de plus en plus la création de petites associations, ce phénomène étant lié à l’individualisation de la société. 
Les associations issues de l’immigration contrairement aux années 70-80 sont également de plus en plus diversifiées et sont sans doute moins unanimement porteuse d’une culture populaire. Elles  ressemblent de manière logique à l’immigration au Luxembourg, où se côtoient des personnes aux origines socio-culturelles très variées.
La troisième évolution majeure concerne la nature de l’engagement. Le mur de Berlin est tombé et a entrainé avec lui la fin des grandes idéologies ! Les références des mouvements politiques de gauche, qui ont longtemps permis de structurer les associations issues de l’immigration, s’essoufflent.
L’engagement est ainsi passé de la reconnaissance des droits à une reconnaissance davantage culturelle. Peu d’associations se créent actuellement  autour de la lutte pour les droits des étrangers mais beaucoup s’investissent au contraire dans des actions de valorisation des cultures issues de l’immigration. Certaines personnes  notamment à travers la presse contestent dans ce sens au Festival des migrations d’avoir abandonné ses premières luttes. À mon sens, elles ne prennent pas forcément en considération que l’égalité ne se négocie plus uniquement aujourd’hui en terme de droits mais s’articule aussi en terme de reconnaissance culturelle.

Propos recueillis par Claudine Scherrer





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