Réduire le déficit démocratique
Avis du Clae sur le projet de loi modifiant la loi du 23 octobre 2008
sur la nationalité luxembourgeoise
En date du 11 avril 2013, M. François Biltgen,
Ministre de la Justice, a déposé à la Chambre des Députés le projet de loi 6561
portant modification de la loi du 23 octobre 2008 sur la nationalité
luxembourgeoise. Ce projet de loi, adopté par le Conseil de Gouvernement en
mars dernier, fait suite à l’évaluation de loi de 2008 par le ministère de la
Justice, présentée en septembre 2012.
L’un des objets de ce projet de loi est de se conformer à la Convention
européenne sur la nationalité, que le Luxembourg a signée en 2008 et qu’il
souhaite désormais ratifier. Dans le projet de loi 6561, le délai de
résidence pour l’obtention de la nationalité est ramené de sept à cinq ans. Dans
certains cas de figure (exemples :
enfants nés au Grand-Duché, signataires du contrat d’accueil et d’intégration),
le projet de loi prévoit un délai de résidence de trois ans. L’interruption de
la période de résidence sur le territoire ne constitue plus un obstacle à la
naturalisation.
Si le Clae salue la volonté du législateur de
se conformer au traité européen, et plus généralement d’assouplir les
conditions de résidence, il tient à souligner que certaines de ces
dispositions, telles que la volonté de limiter les cas d’apatridie et des
délais réduits pour les conjoints de personnes luxembourgeoises existaient
avant l’entrée en vigueur de la loi de 2008. De même, la réforme de la loi sur
la nationalité de 2001 avait baissé le délai de résidence de dix à cinq ans,
avant que la loi de 2008 ne l’augmente à sept ans. Il est regrettable que
durant cinq ans, la peur de « brader » la nationalité luxembourgeoise ait eu
pour conséquence un durcissement des conditions de résidence pour obtenir la
nationalité luxembourgeoise. Nous tenons à rappeler que depuis le 5e
Congrès des associations héritières de l’immigration, organisé en 2000, le Clae
prône un délai de résidence réduit à trois ans pour chacun.
Depuis 2000 également, le Clae demande
l’introduction du droit du sol dans la législation luxembourgeoise. La loi
de 2008 ayant instauré le double droit du sol (un enfant né de parents de
nationalité étrangère mais dont l’un est né au Luxembourg est Luxembourgeois),
les espoirs étaient grands de voir cette disposition élargie. Nous estimons en
effet que les enfants nés au Luxembourg de parents dont l’un est installé
durablement au Grand-Duché sont les enfants de ce pays. Malheureusement, à
nouveau, le législateur a refusé d’introduire ce principe, tout en ajoutant
quelques éléments dans le but avoué d’une simplification administrative. Ainsi
l’enfant né de parents apatrides ou étrangers, dont la mère résidait légalement
au Luxembourg au moment de la naissance, peut réclamer la nationalité
luxembourgeoise par une simple déclaration du moment qu’il justifie d’une
résidence légale de dix années au Luxembourg. Seront Luxembourgeois également
les personnes nées au Luxembourg avant… le 19 avril 1939, date du centenaire de
l’indépendance du Luxembourg. Le Clae ne peut que regretter que le législateur,
une fois de plus, confirme son attachement au droit du sang.
Au niveau des exigences linguistiques, le
projet de loi maintient le niveau requis de connaissance du luxembourgeois
(niveau B1 pour la compréhension, A2 pour l’expression), mais introduit un
système de compensation entre l’épreuve de compréhension de l’oral et l’épreuve
d’expression orale. Des dispenses de participation à l’épreuve d’évaluation
sont prévues pour les personnes qui résident depuis plus de 20 ans sur le
territoire, en plus de la disposition déjà existante pour les personnes qui ont
accompli 7 années de leur scolarité au Grand-Duché dans un établissement
appliquant les programmes d’enseignement public. Dispenser du test de
luxembourgeois les personnes qui résident depuis plus de 20 ans au Grand-Duché
est l’une des propositions qu’avait fait le Clae lors de la précédente réforme
en 2008. A l’époque, une disposition avait été ajoutée afin de dispenser de ce
test les personnes installées avant 1984. Si cette disposition est positive, le
Clae regrette que l’âge des demandeurs ne soit pas pris en compte.
Plus largement, nous regrettons que le rôle de
la langue luxembourgeoise dans l’accès à la nationalité n’ait pas été révisé. Le
Clae est d’avis que l’apprentissage du luxembourgeois doit être encouragé.
Cependant, au Luxembourg, où trois langues cohabitent quotidiennement en tous
lieux, la maitrise du luxembourgeois n’est pas le seul moyen de prouver son
inscription dans la société. Le Clae aurait été favorable à un retour à la
situation antérieure à 2008, c’est-à-dire des connaissances de base dans au
moins une des trois langues officielles, contrôlées par l’Institut national des
langues, accompagnée le cas échéant d’une attestation de participation à un
cours de luxembourgeois.
Nous nous permettons d’attirer votre attention
sur deux propositions de modifications de la loi qui interpellent le Clae :
- La loi actuellement en vigueur accorde une
dispense de participation aux cours d’instruction civique aux même catégories
de personnes qui sont dispensées du test de langue luxembourgeoise, à savoir
celles qui ont fréquenté pendant au moins 7 années une école appliquant les
programmes d’enseignement public luxembourgeois et celles qui vivent au
Luxembourg depuis 1984. Le projet de loi vise à supprimer cette dispense.
Seules les personnes souffrant d’un handicap grave pourront à l’avenir
bénéficier d’une dispense en cas d’impossibilité médicale de participer aux
cours d’instruction civique. Cette suppression est pour nous incompréhensible,
particulièrement dans le cas des personnes ayant suivi leur scolarité au
Luxembourg.
- Concernant la question de l’«
honorabilité », le projet de loi prévoit une réduction du seuil entraînant
le refus de naturalisation en cas de prononcé soit d’une peine de réclusion
criminelle, soit d’une peine d’emprisonnement ferme d’une durée d’au moins six
mois ou d’une peine d’emprisonnement avec sursis d’une durée d’au moins douze
mois. Le Clae considère que les seuils des peines actuelles (condamnation à une
peine criminelle ou une condamnation à l’emprisonnement ferme d’une durée d’un
an ou plus) doivent être conservés.
En conclusion, le Clae considère que toute
adaptation de la loi qui vise à faciliter l’acquisition de la nationalité pour
les citoyens de nationalité étrangère est la preuve que le Luxembourg désire
réduire le déficit démocratique actuel. Suite aux différentes déclarations de ces dernières semaines,
nous pensons que le Gouvernement
et la Chambre des députés sont prêts à discuter d’une redéfinition de la notion
de citoyenneté. Dans un pays aussi atypique que le Luxembourg, dont la
population résidente de nationalité étrangère atteint désormais quasiment 45%
dans une Europe où la moyenne est de 6,6%, l’avenir ne consiste-t-il pas dans
une citoyenneté non plus liée à la nationalité, mais à la résidence ? Le Clae milite
ainsi pour une citoyenneté de résidence qui permette de faire le lien entre les
dimensions juridique, sociale, culturelle, politique et identitaire. Cette
valeur définit l’égalité des droits entre tous les résidents et permet à tous
de négocier un devenir dans un projet commun.
CLAE
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