Discours d'ouverture du 30éme Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté



Samedi 15 mars 2013 : © CLAE - Paulo LOBO

Altesse Royale,
Madame La Ministre,
Monsieur le Président de la Chambre,
Excellences,
Monsieur le Bourgmestre,
Mesdames, Messieurs,

En 1981, une poignée de bénévoles montaient sur la Place Guillaume les quelques stands qui deviendraient le 1er Festival de l’immigration. Au fil des déménagements, Place du Brill à Esch-sur-Alzette, chapiteau au Glacis, Halle Victor Hugo et aujourd’hui LuxExpo, le Festival n’a cessé de grandir, de s’enrichir de toutes les cultures présentes au Luxembourg, de défricher de nouveaux espaces de citoyenneté et de dialogues. La 30e édition n’a rien perdu de sa convivialité populaire, de son esprit de fraternité, d’amitié, de solidarité. Au cours des années, le Festival de l’immigration, devenu le Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté pour dire notre ancrage au Luxembourg, s’est tout naturellement inscrit parmi les grands événements de la vie citoyenne, culturelle et sociale de notre pays.


Nous voudrions remonter ainsi en quelques mots le fil de la mémoire pour rendre hommage en toute simplicité à tous ceux et celles qui nous ont accompagné sur cette route, qui ont construit ce Festival, qui l’ont imprégné de leur humanité. Merci à ceux qui étaient là hier, et à ceux qui sont là aujourd’hui. A tous ceux qui voudraient nous rejoindre, nous le disons tout aussi simplement : les portes du Festival, du CLAE, sont ouvertes à tous ceux qui veulent donner un peu de leur temps, de leur énergie, à tous ceux qui sont animés par le désir de construire ensemble une commune humanité.


Le Festival est accompagné depuis treize ans maintenant du Salon du livre et des cultures du Luxembourg. Unique de par sa nature associative, il s’attache à poursuivre ce dialogue entre terre d’immigration et terre d’émigration, en accueillant aux côtés des écrivains du Luxembourg, des auteurs venus d’horizons et continents divers. Maisons d’éditions, librairies, associations nous rejoignent chaque année un peu plus nombreuses. Grace à eux tous, nous savons que même si nous avons parfois l’impression de nous battre inutilement à la recherche d’un peu de reconnaissance institutionnelle, un peu de financement, nous ne le faisons pas en vain. Cette reconnaissance symbolique, les éditions Ultimomondo nous l’ont également offerte en octobre dernier en nous octroyant leur troisième Biicherpraïs.


Cette année, nous fêtons donc la trentième édition du Festival. Et quelle plus belle manière de la célébrer que de l’augmenter à nouveau ! Au cœur du Festival s’installe ainsi le 1er Salon des cultures et des arts contemporains. Un salon né presque naturellement, suite logique de notre travail, où vous pourrez découvrir de nombreux peintres, sculpteurs, plasticiens, photographes venus de plusieurs pays.


Avec ses quelque 350 stands associatifs, syndicaux, politiques et institutionnels du Luxembourg et de la Grande Région, le Festival est aussi et surtout une manifestation citoyenne. Le Festival des Migrations, des Cultures et de la Citoyenneté, et nous sommes dans ce sens heureux que son 30e anniversaire coïncide avec l’année européenne des citoyens, a su anticiper et accompagner les défis qui sont liés à la citoyenneté : c’est à partir des actes qui ont été patiemment posés que nous avons pu réellement acter et mettre en mouvement l’égalité, penser une légitimité qui ne soit pas l’œuvre de l’identique, faire bouger les frontières de la culture légitime, encourager les échanges, le partage et le métissage culturel ainsi que penser un espace d’engagements ouvert qui se recompose à chaque printemps.


La notion de citoyenneté est au cœur de nos discours et de nos revendications depuis de nombreuses années déjà. Une citoyenneté qui serait basée non plus sur une nationalité, un passeport dont on est porteur, mais sur le critère de la résidence. Dans une société où tous les résidents participent à la vie sociale, culturelle, économique du pays, il est normal que ces mêmes personnes puissent participer à la définition de leur avenir commun en choisissant, à tous les niveaux électoraux, des hommes et des femmes politiques qui les représenteront. La participation aux décisions, la démocratie participative est importante non seulement pour l’inscription de chacun dans la société mais aussi pour plus de justice sociale. Peut-on imaginer une réelle égalité dans l'application de la loi sans égalité au niveau de son élaboration ? Le droit de vote dans cette optique n'est que la reconnaissance formelle de la citoyenneté. Cette ouverture pour le droit de vote actif des étrangers aux élections législatives est de plus en plus discutée et l’obstacle constitutionnel pourrait être prochainement levé, permettant ainsi l’adoption d’une loi allant dans ce sens. Nous invitons les députés, les partis politiques, les Luxembourgeois à ne pas prendre peur devant ces initiatives, mais au contraire à les soutenir.

2013 est donc consacrée aux droits qui résultent de la citoyenneté de l'Union. L’occasion pour nous de vous rappeler que les prochaines élections européennes se dérouleront l’an prochain, en 2014 et que c’est faire acte de citoyenneté que de s’inscrire sur les listes électorales du Luxembourg pour ces élections. Le Clae entamera d’ailleurs une large campagne de sensibilisation sur ces élections dès l’automne. Mais la citoyenneté ne renvoient pas seulement à la question des droits politiques. Nous, Citoyens de l’Union, pouvons aussi profiter de cette année pour dire quelle Europe nous voulons, une Europe de la solidarité où les droits sociaux ne sont pas bradés, une Europe à l’échelle humaine.

La citoyenneté peut se manifester par de multiples formes. Dans quelques mois, toutes les personnes travaillant sur le territoire luxembourgeois, indépendamment de leur nationalité ou de leur pays de résidence, pourront voter pour élire les représentants de la Chambre des salariés lors des élections sociales. Nous vous invitons tous à vous saisir également de cette opportunité démocratique.


Prochainement, la Chambre des Députés devra se pencher sur le projet de loi réformant la loi sur la nationalité adoptée en 2008, projet de loi qui a été avisé par le Conseil de Gouvernement mercredi. Ce projet de loi prévoit des avancées notables, notamment des assouplissements en matière de compétences linguistiques ou des délais de résidence. Le Clae se positionnera bientôt sur ce projet de loi dans lequel nous aurions voulu que droit du sol soit inscrit.


Ce début d’année a été marqué par une mesure de régularisation à l’intention des personnes travaillant « au noir », donc illégalement, au Luxembourg depuis au moins neuf mois. 652 personnes ont introduit un dossier, dont certaines qui résidaient parfois depuis plus de dix ans sur le territoire luxembourgeois sans aucune reconnaissance officielle. D’après Nicolas Schmit, Ministre de l’Immigration, 400 d’entre elles devraient recevoir une autorisation de séjour. Pour elles, une vie d’anonymat se termine et nous en sommes heureux. Nous aurions toutefois aimé que cette mesure soit plus généreuse, tant au niveau des critères que du délai accordé pour la remise des demandes. Nous regrettons une vision plus économique qu’humaniste pour cette régularisation qui visait surtout le patronat.


Chaque année une partie de ce discours est consacré à la situation des Demandeurs de protection internationale. Cette année, malheureusement, ne dérogera pas à la règle. L’expulsion, en juillet dernier, de plusieurs familles avec des enfants malades ou handicapés nous avait profondément choqué. Les conditions de vie de ces personnes – que ce soit le logement ou les aides financières misérables qui leur sont accordées, continuent de nous interpeller. Mais nous aimerions aussi et surtout attirer votre attention sur la longueur des procédures. Laisser des hommes, des femmes, des enfants, dans l’ignorance de leur avenir durant parfois des années, est à nos yeux inadmissible. Nous soutenons dans ce sens l’initiative de Madame l’Ombudsfra d’introduire un code de bonne conduite administrative garantissant notamment le principe d’un délai raisonnable et nous lançons une fois de plus cet appel aux politiciens luxembourgeois et européens : Le Luxembourg, l’Europe, s’est engagée sur une mauvaise voie en criminalisant les immigrants. Le paradigme doit changer, car ces nouvelles immigrations, nous en avons besoin. La politique actuelle va à l’encontre de nos intérêts.


Il est temps maintenant de déclarer ouvert ce 30e Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté, un festival de rencontres et de partages. Grâce aux associations qui œuvrent au Luxembourg, mais aussi dans la Grande région, à l’implication des nombreux bénévoles et salariés qui s’investissent dans leur organisation et surtout grâce aux nombreux visiteurs qui nous témoignent leur confiance, le Festival des migrations des cultures et de la Citoyenneté, le Salon du livre et des cultures et désormais le Salon des cultures et des arts contemporains, à la croisée des cultures, peuvent être une réussite. Nous vous remercions tous pour votre implication.


Je tiens à remercier également le Ministère de la Famille et de l’Intégration et en particulier l’Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration, la Ville de Luxembourg, le Ministère du Logement et bien d’autres encore pour leur soutien financier, ainsi que la LuxExpo pour son accueil.


Je vous convie, après les allocutions de Madame Jacobs, ministre de la Famille et de l’Intégration et de Monsieur Bettel, bourgmestre de la Ville de Luxembourg, au vin d’honneur qui se déroulera au bar à votre droite. Nous vous invitons ensuite à flâner dans les allées métissées de ce 30e Festival et à vous rappeler que la littérature, le cinéma, la musique, la gastronomie et la vie associative sont autant de passerelles pour rencontrer et découvrir la richesse culturelle de notre pays, où se dessine notre histoire partagée et notre futur commun.

Merci à tous.
 CLAE - 15/03/2013

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