Congrès du CLAE 12 et 13 novembre 2011 (1)


Faire société ensemble :
les pratiques culturelles et linguistiques
des personnes issues de l’immigration,
des personnes de nationalité étrangère et de leurs associations
Document N°1- CLAE

1. L’approche interculturelle pour une cohésion sociale et culturelle au Luxembourg  
2. Relations interculturelles, dialogues interculturels, métissages culturels  
3. La valorisation de l'engagement associatif 
4. L’égalité d’accès à la langue luxembourgeoise 
5. Certains éléments de la politique culturelle au Luxembourg qui nous concernent 
6. L'action spécifique du CLAE dans le domaine culturel

Ces cinq dernières années, les transformations profondes qui traversent le champ culturel au Luxembourg se sont amplifiées. Elles ont pris naissance et se sont confirmées d’abord en 1995 lorsque Luxembourg Ville devient Capitale européenne de la culture et dix ans plus tard en 2007 lorsque ce sont Luxembourg et la Grande Région qui représentent la culture. En un peu plus d’une décennie, le paysage et les acteurs culturels se seront complètement transformés : d’une programmation culturelle plutôt – mais pas uniquement – grand public, festive, assez largement conviviale et populaire en 1995, nous sommes passés à de très nombreux projets culturels, plus spécialisés dans la gestion « des publics », plus équilibrés dans la représentation des diverses composantes de la population, plus professionnel dans la conception et la réalisation, mieux arbitrés pour ce qui est des enjeux sociologique et politique lors de l’année 2007. Ce glissement, cette « évolution » conceptuelle ou sociologique dans la mise en place de projets culturels est au centre de nos réflexions et de nos propositions lors de ce congrès.

L’accent et la polémique, encore courtoise, sont souvent mis sur les nombreuses infrastructures culturelles ou « socio culturelles » qui ont fait leur apparition depuis 1995 et les coûts financiers et de gestion sont la plupart du temps avancées dans les argumentations. Mais ces bâtiments ne sont que des façades qui cachent un désert de réflexion sur les politiques culturelles qu’il faudrait développer. Il est utile de rappeler ce qui présidait dans la réalisation de ces projets initiés par Mme Erna Hennicot-Schoepges, ancienne ministre de la Culture et ministre des Travaux publics : « Nous devons proposer aux composantes très diverses de la communauté luxembourgeoise (plus de 38 % de "non nationaux”) un projet culturel capable de consolider une vraie cohésion sociale et de prouver qu’une identité ne se dilue pas en s’ouvrant aux autres cultures, mais au contraire peut y trouver matière à partage et à enrichissement. »

Cette sensibilité aux diverses composantes du Luxembourg, défendue par le Clae depuis des décennies, commence seulement, ces dernières années, à être prises en compte dans les programmations et les projets de ces jeunes institutions. Certaines structures comme la Kulturfabrik dans le sud post-industriel du pays le faisait depuis longtemps, d’autres comme à Wiltz inscrivaient de temps à autres une programmation ouverte sur d’autres cultures, certaines communes proposaient des fêtes interculturelles ou multiculturelles. Mais ces dernières années, la représentation culturelle des cultures issues de l’immigration présentes au Luxembourg a augmenté dans les projets de ces institutions, de nombreuses associations issues de l’immigration sont sollicitées pour apporter leur concours, mais dans la majorité des cas, ces projets sont plus multiculturels que réellement interculturels, plus proches d’une programmation « musiques du monde » que d’un réel désir de penser les cultures du Luxembourg. Le plus souvent les associations issues de l’immigration, lorsqu’elles sont sollicitées, servent plus d’alibi culturel, de relai gastronomique, parfois encore de touche d’exotisme, plutôt que de véritables acteurs culturels associés à la conception des projets.

Le Clae, au fil de ses actions et en particulier dans la réalisation du Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté, revendique une approche différente dans la mise en place de projets culturels dans une société interculturelle, du métissage culturel, dans une société où les associations issues de l’immigration sont aussi nombreuses, dans une société qui doit appréhender un monde devenu monde.


1. L’approche interculturelle pour une cohésion sociale et culturelle au Luxembourg

Les résidents du Luxembourg issus de l’immigration se sont toujours regroupés dans de nombreuses associations récréatives, culturelles, sportives et sociales qui font référence à leur pays de départ. Le besoin de se rencontrer autour de valeurs culturelles communes constitue l’attitude logique de toute personne se trouvant éloigné de son lieu d’origine ou de celui de ses parents et exprime le désir de rester en lien avec ses langues et cultures d’origines.

Le Clae accompagne depuis plus de vingt-cinq années déjà l'évolution de la migration (immigration et émigration) au  Luxembourg. Les migrations témoignent d'un monde qui bouge et qui se recompose sans cesse. Le monde associatif n'échappe pas à ce mouvement. Ainsi, le Clae issu essentiellement de l'immigration italienne, espagnole et portugaise, recompose maintenant son action militante avec l'apport des récentes migrations ainsi que des générations nées au Luxembourg.

Les populations venues en immigration au Luxembourg ont toujours créé des associations comme des espaces et des réseaux de solidarité, de fraternité. Ces associations jouent un rôle déterminant à la fois dans la valorisation d’une identité culturelle, le lien avec le pays et la culture d’origine et dans le processus d’installation et de participation citoyenne dans le pays d’accueil. Depuis des années, on peut percevoir comment ce mouvement associatif s’est inscrit dans le pays : dans les années 80 et 90 en termes de luttes sociales et politiques et ces dernières années en investissant aussi le champ culturel. L’évolution du Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté en est l’exemple éclairant.

Grâce à une coordination et une coopération au sein du Clae, les associations du Luxembourg issues de l’immigration ont réussi à créer des instruments pour formuler, avec une approche interculturelle, des revendications légitimes de nature sociale ou culturelle vis-à-vis des autorités luxembourgeoises et européennes. Cette approche interculturelle du Clae poursuit, depuis plusieurs congrès, différentes missions :

·      La culture – dans ses multiples formes, expressions, fonctions, phénomènes, interprétations – n’est pas seulement un domaine fondamental de la vie humaine individuelle et collective, mais constitue aussi une voie incontournable par laquelle les individus se relient et font d’une vie commune un projet social. Elle est la base de nos sociétés. Le droit de prendre part à cette expression et création implique également une obligation des gouvernements à promouvoir, à soutenir et à conserver les activités et artéfacts culturels de tous les résidents du pays.

·      L’inscription des étrangers et des personnes issues de l’immigration, dans la vie culturelle et linguistique du pays d’accueil, sera possible seulement si, en plus du désir et de la volonté de chaque individu de devenir citoyen, de s’engager dans la vie locale ou associative, les personnes et les associations issues de l’immigration jouissent du soutien et du traitement égal dans l’accès à la langue et à la culture du pays d’accueil. Développer un devenir citoyen exigera, pendant des années encore, une volonté ferme de la part des autorités, en tenant compte, bien entendu, qu’on ne peut scinder une participation culturelle d’une participation sociale et politique.

·      Les références identitaires à la culture et aux pratiques culturelles des pays d’origine des « communautés » et des associations issues de l’immigration sont nécessaires pour créer les conditions propices à un devenir citoyen et à la cohérence sociale et culturelle du pays où résident plus de 43% de ressortissants étrangers. Elles sont aussi, mises en mouvement dans des projets associatifs et par leurs inscriptions dans la société luxembourgeoise, un instrument d’enrichissement mutuel. Ces identités en constante évolution qui gardent un lien avec le pays de départ permettent d’éliminer et de se préserver de toute vision « hiérarchique » entre les langues et entre les cultures. Une conception qui prétendrait établir des catégories différentes de citoyens en fonction du pays ou de la culture d’origine ne peut résister aux projets qui mettent en valeur dans le pays de résidence les cultures des pays de départ.

·      L’encouragement pour les manifestations et les projets qui visent à cultiver des relations et des échanges interculturels doit devenir la clé d’une inscription citoyenne. Beaucoup de Commissions Consultatives Communales pour l’intégration se sont efforcées de le faire au niveau communal et le Clae, par le biais de l’organisation annuelle du Festival des Migrations, des Cultures et de la Citoyenneté, du Salon du Livre et des Cultures du Luxembourg, de la Fête de la Musique et autres projets culturels, le fait au niveau national.

Parmi les lourds défis que le Grand-Duché devra affronter dans les années à venir (manque de diversification économique, problèmes d’aménagement du territoire, mobilité et transports, protection de l’environnement et de la biodiversité, etc.), il y a celui de l’indispensable cohésion sociale et culturelle à préserver et à améliorer à tout prix. Si comme le défini le Conseil de l'Europe : « La cohésion sociale est la capacité d’une société à assurer le bien-être de tous ses membres, en réduisant les disparités et en évitant la marginalisation », il est évident qu’à côté des grands sujets économiques et sociaux, la bataille pour la cohésion sociale se gagne aussi sur le terrain de la vie culturelle, de la vie associative, dans les projets culturels, dans le respect de la connaissance des langues du pays où l’on réside, sous conditions que ces langues soient accessibles à tous.


2. Relations interculturelles, dialogues interculturels, métissages culturels

Les relations interculturelles et le métissage culturel ne représentent rien de nouveau. Tout au long de l’histoire, les cultures ont été en contact, à travers le conflit ou le dialogue, l’émigration, l’immigration ou la coopération. Actuellement, les nouvelles technologies le démontrent à un rythme vertigineux. Mais existe-t-il vraiment au Luxembourg une ouverture vers d’autres cultures, fondée sur un échange égalitaire et sur une communication authentique ?

Les pays européens, pays d’immigration, multiculturels par leur histoire, sont définitivement voués à penser les relations interculturelles. L’identité, aussi bien individuelle que collective, naît et croît à travers les différences et se construit sur les ressemblances. Une culture n’évolue qu’à travers ses contacts ; les relations interculturelles sont constitutives de l’identité culturelle. Une culture ne peut jamais rester complètement isolée. L’analyse interculturelle doit donc aboutir au constat que la vérité est plurielle et relative et que chaque culture doit travailler dans le dépassement de ses propres horizons pour se confronter le plus librement et le plus objectivement possible avec les valeurs de l’autre.

Le Clae fait intégralement siennes les conclusions du Forum À Citoyenneté Égale organisé au mois de Novembre 20101 qui questionnent dans ce sens plusieurs démarches.

De la mémoire des migrations

Les sociétés se construisent en référence à une mémoire et une histoire commune forgées et transmises par les différents corps sociaux parmi lesquels les historiens, les écrivains, les mouvements citoyens, associatifs et les politiques jouent un rôle particulier. La mémoire collective d’un pays résulte d’un tel travail d’écriture, de rappel, d’imagination et de création et a pour but de créer un lien entre les membres d’une communauté.

Le Luxembourg est un territoire fortement marqué par l’immigration, qui a d’abord largement assuré la main-d’œuvre nécessaire à l’essor de la sidérurgie, puis s’est investie dans d’autres secteurs économiques. Cet apport ne se limite toutefois pas au domaine économique : ce sont notamment des grands mouvements sociaux et associatifs initiés par des personnes venues en immigration – militant contre les fascismes, les dictatures, pour les libertés, les droits politiques, la citoyenneté etc. – qui ont contribué à élargir la démocratisation de nos sociétés actuelles. Les richesses, économiques, sociales, culturelles et politiques reposent beaucoup sur l’immigration qui, pourtant, n’a qu’une place marginale dans les histoires nationales.

Dans le cadre de l’année 2007, Luxembourg Capitale européenne de la culture, le Clae, le Centre de Documentation sur les Migrations Humaines de Dudelange et la ville de Dudelange, en collaboration avec le monde associatif, ont réalisé une très grande exposition, Retour de Babel à l’ancienne aciérie Arcelor de Dudelange. Pendant de nombreux mois, les permanents et bénévoles du Clae ont travaillé sur les contenus de cette grande manifestation qui se veut une contribution à l’histoire de l’immigration au Luxembourg et de l’émigration du Luxembourg. En conséquence et suite à ce travail, nous proposons :

·      d’inclure l’histoire des immigrations dans les histoires régionales et nationales pour que les personnes venues en migration acquièrent une plus grande légitimité que leur reconnaît la mémoire collective et pour que leurs contributions, leurs réalisations s’inscrivent dans le patrimoine matériel et immatériel du pays,
·      d’inclure l’enseignement de l’histoire des immigrations dans les cursus d’histoire enseignés dans les établissements scolaires,
·      de porter davantage d’attention et de moyens financiers à la conservation des archives des associations issues de l’immigration comme source mémorielle du pays et de son patrimoine,
·      d’accorder un espace à la mémoire migratoire dans le patrimoine national, en valorisant les sites mémoriels liés à l’immigration, en créant des lieux symboliques de commémoration, en encourageant la programmation culturelle liée au travail mémoriel – cinéma, exposition, conférences, etc. – et en instituant un espace dédié à ces mémoires dans les archives nationales,
·      aux acteurs professionnels qui assurent la communication et l’information dans nos sociétés – journalistes, auteurs, modérateur, etc. – de veiller à ne pas reproduire des stéréotypes pesant sur les groupes culturels mais d’analyser les événements sous le prisme de leur complexité, sans essentialisme et sous l’angle des conditions sociales.



De l’évolution des paradigmes

Nous entendons par « culture » non pas une entité cloisonnée, isolée, fixe, statique, une pensée qui accentuerait la différence, mais comme l’expression des individus dans les sociétés, résultante dynamique et toujours en mouvement d’une citoyenneté, d’un ensemble de relations humaines et de la volonté de chacun de participer à la vie de la Cité et de considérer également que chaque personne est porteuse de culture dans le sens qu’elle se situe dans ce réseau de références et de sens, qui se réfère au passé, au présent et à l’avenir, et qui doit nous permettre d’œuvrer contre toutes les mentalités, théories, philosophies et politiques qui établissent une hiérarchie entre les cultures.

Nous croyons que chacun a le droit d'avoir une identité multiple constituée par de multiples références. Cette vision englobe l’accentuation sur les ressemblances et sur ce que les humains ont en commun au lieu de ce qui les différencie les uns des autres. L’ouverture des identités, l’accent mis sur le partage, la solidarité, la fraternité et les relations interculturelles sont également au cœur de l’expérience migratoire : le questionnement et la redécouverte qu’elle implique correspond à notre tendance à l’imaginer comme le fruit d’un « travail personnel » effectué tout au long d’une trajectoire de vie, et nous invite à dépasser des langages et discours qui renvoient à l’image d’identités fermées et immobiles.


3. La valorisation de l'engagement associatif

Il n’y a pas de reconnaissance culturelle sans le respect des origines, sans la connaissance de l’histoire d’une immigration et sans la disparition des inégalités dans le domaine social. Rien n’est en somme plus positif pour l’inscription et la participation des personnes issues de l’immigration dans la société luxembourgeoise que de pouvoir participer à la vie sociale.

Les associations issues de l’immigration, bien que leur rôle ne soit dans ce sens pas toujours reconnu et encouragé, jouent un rôle central dans l’animation, le façonnement et la vie culturelle des sociétés d’accueil. Elles sont vecteurs de participation à la société d’accueil mais également une référence importante du lien avec les pays d’origine. Valoriser les cultures — au sens large du terme — issues de l’immigration passe d’abord par une reconnaissance officielle de cette participation citoyenne.

Pour développer convenablement leur projet, toutes les associations ont néanmoins besoin d’un espace où elles peuvent se rencontrer, échanger, décider, organiser leurs activités. Ce lieu, commun mais néanmoins ouvert, peut aussi leur garantir une certaine visibilité et légitimer par son inscription dans l’espace public les objectifs qu’ils se sont fixés.

Il conviendrait également d’apporter davantage d’attention aux problèmes de financement. Une des raisons repose sur la complexité des différentes sources, mais aussi sur les préjugés de certains financeurs. Les moyens alloués ne sont de ce point de vue pas toujours les mêmes que ceux des associations luxembourgeoises. Nous estimons en définitive que divers problèmes se posent et que seul l’effort combiné des autorités de l’Etat et des Communes pourra faciliter une solution.

·      Nous croyons que chaque personne et association issue de l’immigration doit pouvoir vivre et exprimer librement sa culture dans le respect du cadre législatif du pays d’accueil et que l’engagement associatif en faveur de la promotion culturelle et citoyenne doit être considéré comme une volonté légitime de représenter sa culture, de participer à la vie culturelle de la société d’accueil et de contribuer à enrichir son patrimoine matériel et immatériel.
·      Que toute personne issue de l’immigration soit considérée en tant que citoyen à part entière, c’est-à-dire qu’elle puisse participer et s’inscrire pleinement dans la vie sociale, culturelle, économique et politique des sociétés du Luxembourg.
·      Que le rôle que les associations issues de l’immigration jouent dans la dynamique interculturelle des sociétés d’accueil soit beaucoup plus reconnu et qu’elles soient soutenues et promues dans cette optique.
·      Nous voulons aussi que l’engagement associatif des jeunes issus de l’immigration soit encouragé et reconnu.
·      Le Clae s’emploiera à ce que les associations d’étrangers ou issues de l’immigration puissent profiter des facilités contenues dans les Accords culturels signés entre le Luxembourg et des pays tiers.
·      De créer davantage d’espaces et d’occasions voués à favoriser l’échange entre les diverses associations et personnes issues de l’immigration présentes et ainsi encourager le métissage culturel.
·      Que chaque association faisant preuve d’un certain dynamisme – en tant qu’acteur de la société civile – ait accès à un local, c’est-à-dire un lieu précis d’activité, un espace de réunion et de rencontre.
·      L’égalité de traitement dans l’attribution des salles aux associations, davantage de mise à disposition de salles/locaux par les communes pour toutes les associations y compris celles issues de l’immigration.
·      Les espaces culturels des nouveaux bâtiments culturels devraient être pleinement accessibles aux associations d’étrangers et aux associations issues de l’immigration. Nous souhaiterions qu’un effort particulier soit fait par la Ville de Luxembourg et d’autres communes pour mettre des locaux à la disposition des associations étrangères qui puissent garantir une gestion ouverte et participative.
·      D’accorder une subvention aux associations qui souhaitent louer un local / de faciliter les conditions d’accès aux espaces associatifs, en créant notamment davantage de cités et maisons associatives.
·      Les salles et moyens informatiques du Clae seront, dans la mesure du possible, sont mis à la disposition des associations dans le cadre des procédures de collaboration.
·      Que le Ministère de la culture reconnaisse enfin les projets des associations issues de l’immigration et qu’il apporte un réel soutien financier aux projets les plus innovants et développe une réelle politique de partenariat et de convention avec les associations porteuses de projets interculturels. Le Clae est d’avis que la politique de Conventions avec le Ministère de la Culture devrait être plus ample et ouverte vis-à-vis des associations représentant les étrangers et les personnes issues de l’immigration au Luxembourg ou plurinationales jouant un rôle important dans la vie culturelle du Grand-Duché.
·      Que les pouvoirs publics renforcent leur soutien aux associations issues de l’immigration pour qu’elles puissent accomplir de façon intégrale les rôles sociaux, culturels, économiques et politiques qu’elles jouent déjà dans les sociétés d’accueil. Que ces associations soient reconnues comme ressources dans les transmissions culturelles qui permettent aux enfants issus de l’immigration s’ils le souhaitent de s’enrichir et de se constituer avec des références héritées de l’horizon culturel de leurs parents.
·      Une meilleure répartition des fonds entre les différents acteurs de la société civile, quels que soient leur taille, leur âge, l’origine sociale et culturelle des membres.
·      Que davantage de subsides soient accordés en soutien aux petites associations, dont font partie un grand nombre de personnes issues de l’immigration.
·      De donner une meilleure visibilité aux sources de financement, à travers notamment un site Internet unique regroupant les informations utiles.
·      De soutenir des initiatives comme les bourses d’échange ou de prêt de matériel, de services, etc.  qui ont pour vocation de faciliter l’autofinancement des associations.
·      Une facilitation des démarches liées à la trésorerie, c’est-à-dire la création de fonds de garantie également ouverts aux petites et jeunes associations.
·      Le Clae veillera à ce que les activités de toutes les associations membres du Clae, soient présentées dans les médias où il a une participation propre (Horizon, Radio Latina, Radio ARA et autres).


4. L’égalité d’accès à la langue luxembourgeoise

Depuis des années, la langue luxembourgeoise gagne jour après jour en prestige et en espaces d’utilisation publique plus importants. La réaffirmation de la langue nationale, qui est l’aspect identitaire le plus marquant pour les Luxembourgeois, était inévitable dans un contexte d’avancement de l’Union Européenne et de la consolidation des phénomènes de globalisation. Cet aspect identitaire lié à la langue est en effet une partie de la réaffirmation naturelle de la personnalité propre du pays dans les nouveaux espaces politiques et culturels qui se dessinent. Ce processus (coexistence de phénomènes de mondialisation et de réaffirmation régionale), qui est identique à ceux qu’on voit ailleurs dans le monde, n’a rien de négatif s’il est vécu comme consolidation de la cohésion sociale et culturelle du pays, en intégrant de manière dynamique toutes ses composantes et en respectant ses différentes manifestations d’origine. Par contre, il peut devenir un phénomène d’exclusion et de division sociale, quand il se manifeste comme le rassemblement, face à l’autre, de valeurs imaginaires de supériorité (culturelle, raciale ou religieuse surtout dans ses aspects les plus déformés et agressifs). Ces attitudes de « supériorité » par la langue ne sont pas spécifiques aux Luxembourgeois, loin de là, mais viennent parfois aussi de certains, qui par une simple approche démographique, tirent des conclusions sur la langue luxembourgeoise comme une langue minoritaire ne "méritant" pas un effort d'apprentissage. Des conclusions qui font plus de mal que de bien à une approche interculturelle et égalitaire des langues et des cultures que le Clae préconise (Les questions interculturelles bien comprises commencent par soi).

Si la langue luxembourgeoise n’occupe pas la place de langue véhiculaire dans tous les domaines de la vie sociale, il ne faut pas le reprocher au tiers de la population qui n’a jamais trouvé une situation favorable à son apprentissage mais surtout à l’inexistence jusqu’à ces dernières années d’une vraie politique linguistique de la part des autorités luxembourgeoises.

La consolidation de groupes à comportements linguistiques différents

Force est de constater que des groupes de population avec des pratiques linguistiques différentes se sont installées dans le pays et qu’il faut l’accepter dans l’immédiat sans pour autant abandonner, mais au contraire renforcer, les politiques de diffusion de la connaissance des langues du pays à tous les niveaux.

L’expérience des politiques linguistiques dans d’autres pays de l’UE nous montre que l’action politique visant à développer la présence sociale d’une langue et sa compréhension chez la partie de la population qui ne la maîtrise pas, peut se traduire dans un sens réactionnaire (chercher l’exclusion linguistique d’une partie de la population pour préserver une situation de pouvoir économique ou de groupe) ou dans un sens progressiste (inclure la majorité de la population dans la connaissance de la/les langue/s nationale/s pour garantir l’égalité des chances). Au Luxembourg il faut être conscient que chaque expérience personnelle comporte des exigences linguistiques différentes dans la connaissance du français, de l’allemand et du luxembourgeois. Les connaissances linguistiques différentes selon les expériences au travail, dans la famille et dans la vie sociale et associative.

Les langues et la génération issue de parents venus en migration

Durant le dernier Congrès nous avions attiré l'attention sur le fait que la génération issue de parents venus en migration, donc ceux qui pour la majorité sont nés au Luxembourg ou qui sont arrivés à un très jeune âge, parlent couramment le luxembourgeois, ce qui les différencie de leurs parents. De ce fait, ils ne sont plus considérés entièrement comme des étrangers par la population autochtone. Le français reste encore cependant la langue parlée par beaucoup de jeunes issus de l’immigration dans la ville de Luxembourg et elle semblerait s’imposer de plus en plus au centre du pays comme langue véhiculaire entre les jeunes. Ce phénomène ne s’est pas répandu dans les autres lycées du Grand-Duché, où le luxembourgeois reste la langue principale de communication et où l’usage du français semble, au contraire, en nette diminution parmi les jeunes. Rien ne semble donc indiquer, vu les comportements dans la tranche d’âge 15-24, que les groupes à connaissances linguistiques différenciées soient amenés à disparaître dans les années à venir.

Si la langue française est majoritairement considérée comme n’étant pas un symbole culturel luxembourgeois, les jeunes de nationalité portugaise et ceux originaires de pays tiers se positionnent, d'après l'enquête BaleineBis2 sur cette question de façon plus neutre. Si l'usage du français est appréhendé de plus en plus négativement par les jeunes luxembourgeois ainsi que par les jeunes originaires des Balkans, les jeunes originaires de pays frontaliers, du Portugal ou encore de pays tiers l’envisagent de façon beaucoup plus positive. Ces constats peuvent notamment déboucher sur la question de savoir quelles sont les situations dans lesquelles les jeunes luxembourgeois sont amenés à parler librement le français, à l’école et ailleurs. En effet, pour ces jeunes, parler le français est souvent vu comme une contrainte, exception faite d’un usage au sein d’un groupe d’amis étrangers. La dichotomie enseignement classique/enseignement technique semble ici de nouveau opérante; une dichotomie confirmée par d’autres résultats montrant par exemple qu’un plus grand nombre de jeunes de l’enseignement classique réclame une prédominance du luxembourgeois sur le français.

L'allemand aussi une langue d'intégration ?

On pourrait considérer que l'allemand est aussi en train de devenir, d'une certaine manière, une langue d'intégration pour les immigrés vivant au Luxembourg. D'abord tout naturellement pour les jeunes puisque c'est la langue véhiculaire du système scolaire. Elle est perçue de façon plus "neutre", comme un grand atout de valorisation sur le marché du travail et comme une langue qui permet aussi l'accès aux nombreux médias et activités culturelles germanophones disponibles au Luxembourg. Aussi beaucoup d'adultes, considérant que l'allemand est très proche du luxembourgeois et avec une démographie et poids économique supérieur a celui du français, se tournent vers l'apprentissage de l'allemand comme une sorte de "compromis" pour une intégration plus effective que le seul apprentissage du français. La réaction des locuteurs luxembourgeois face à quelqu'un qui s'exprime en allemand est généralement beaucoup plus positive que s'il ne sait utiliser que le français.

L'allemand permettra, pour beaucoup, une compréhension passive du luxembourgeois et constituera, peut être, une porte vers son apprentissage ultérieur. D'ailleurs et comme le montre l'enquête, BaleineBis, l'allemand est sans doute préféré, pour beaucoup, au français pour les raisons exposés avant, ce qui expliquerait le fait que autant de résidents déclarent utiliser plus ou moins régulièrement l'allemand et le luxembourgeois (respectivement 81% et 82%) et que presque 40% des portugais (et presque 70% d'autres nationalités) indiquent aussi l'utiliser régulièrement. Ces taux étant par ailleurs comparables a ceux de l'utilisation de l'anglais qui tend à devenir une langue de communication de plus en plus importante.

Vers un rééquilibre linguistique au Luxembourg ?

Comme signalé précédemment, les conséquences de cette nouvelle donne linguistique sont, à la longue, difficiles à prévoir mais confirment bien qu’un rééquilibre sociolinguistique, avec un poids supérieur des langues germaniques, est en train de s'opérer dans le pays et qu'il deviendra de plus en plus visible dans les prochaines décennies.

La difficulté de la langue luxembourgeoise effraie un grand nombre d’immigrés adultes, issus notamment des pays de langues latines. Leur sentiment d’incapacité face à cette langue est tel qu’ils la considèrent comme un obstacle insurmontable. Des observations empiriques dans les activités du Clae et d'autres associations montrent, par contre, que l’attitude des populations en provenance des anciens pays de l’Est, qu’ils soient ressortissants des nouveaux pays de l’UE ou demandeurs d’asile, est beaucoup plus encline à un apprentissage des langues germanophones.

Cela doit, forcement, avoir des conséquences dans la façon dont le Clae et les autres organisations militant pour les droits des étrangers et des populations issues de l’immigration intègrent cette donne. La place à donner à la connaissance de la langue luxembourgeoise et à des actions imaginatives pour la promouvoir en douceur deviennent importantes mais, au même temps, préserver la valeur 'fédératrice' du français (d'après Fernand Fehlen) comme langue de communication entre communautés et comme langue de relation entre l'administration et les partis politiques avec une grande partie de la population deviennent aussi un élément à renforcer dans les objectifs de chaque organisation pour des raisons 'pratiques' de facilitation de la communication.

Le partenariat linguistique volontaire

Dans le précédent Congrès nous avions signalé qu'un fait inhérent au multilinguisme des Luxembourgeois est que lorsqu’un Luxembourgeois s’aperçoit qu’il se trouve face à un étranger, il recourt tout de suite à la langue française. Nous avions proposé qu'il faudrait promouvoir des expériences comme le « partenariat » ou le « parrainage » linguistique, un locuteur luxembourgeois qui s'engage bénévolement à partager des conversations avec une autre personne qui essaye d'apprendre la langue, et ainsi valoriser la réponse en luxembourgeois d’un interlocuteur qui essaye d’employer cette langue.

En conclusion les propositions à court terme du Clae pour l’apprentissage linguistique seraient :

·      Des crédits-formations au niveau des entreprises pour faciliter l’organisation des cours de langue luxembourgeoise, allemande et française pendant les horaires de travail. Pour cela, des mesures devraient être adoptées afin d’encourager les entreprises à organiser des cours de langues élargissant les facilités prévues par le cadre des Subsides pour l’amélioration de l’intégration des étrangers par l’apprentissage de la langue luxembourgeoise dans le cadre de la Stratégie européenne en faveur de l'emploi, aux autres langues officielles ;

·      Revoir les conditions linguistiques prévues dans le Règlement grand-ducal qui fixe le niveau du test linguistique pour tous les candidats à la nationalité arrivés au Luxembourg depuis1984 ;

·      L’offre de cours de langues à l'INL et dans les communes devrait être modulée de manière à proposer différentes options concernant les heures de cours (cours hebdomadaires, semi-intensifs et intensifs) pouvant répondre aux différentes attentes des participants ;

·      Des cours de langue luxembourgeoise avec les mêmes droits que le reste des langues officielles communautaires devraient être organisées dans les institutions de l’UE et à l’Ecole européenne. Des cours existent parfois depuis quelques années mais au dehors des horaires de travail ce qui est discriminatoire par rapport aux autres langues ;

·      La continuité et l’élargissement dans des meilleures conditions des horaires et des regroupements des élèves suivant l’origine et les facilités (niveau d’alphabétisation) linguistique dans les cours de langue luxembourgeoise organisés dans les communes ;

·      Promouvoir activement des expériences comme le « partenariat » ou le « parrainage » linguistique, un locuteur luxembourgeois qui s'engage bénévolement à partager des conversations avec une autre personne qui essaye d'apprendre la langue ;

·      La diffusion par les médias (radios et télés) de cours audiovisuels pour l’apprentissage de la langue luxembourgeoise ne devrait pas être exceptionnelle. Des outils performants comme le cours audiovisuel DALAS ou autres devraient être programmées de façon régulière dans la programmation de RTL ;

·      Les rediffusions à caractère journalier du Journal de RTL-Lëtzebuerg doublé en français  ont été mises en pratique par les autorités. Si cela est positif, la non généralisation du système dual dans les TV des foyers suggère la nécessité de se poser la question du sous-titrage de ce Journal de façon plus systématique et habituelle ;

·      Une offre de cours plus diversifiée en utilisant les facilités Internet devrait aussi être proposée ; le Clae salue à ce sujet l’initiative QuattroPole e-learning (www.elearning.lu) ;

·      La possibilité d’organiser des cours de langue luxembourgeoise directement par les associations. Les frais inhérents devrait être intégralement pris en charge par l’Etat via des subsides aux associations afin d’assurer, dans la mesure du possible, la gratuité des cours ;

·      Encourager la politique d’édition de dictionnaires bilingues dans les principales langues des personnes de nationalité étrangère et garantir des tirages massifs à la portée de tous dans la ligne de ce que le Clae a déjà fait (italien et néerlandais) ;

·      Préserver, autant du temps qu'il soit nécessaire, la valeur du français comme langue de communication entre communautés et comme principale langue de relation des personnes étrangères ou issues de l’immigration, entre l'administration et les partis politiques et avec une grande partie de la population en veillant à faciliter la communication sur l'activité administrative et politique ;

·      Que des espaces inter linguistiques soient créés dans les administrations, les écoles et les communes ;


5. Certains éléments de la politique culturelle au Luxembourg qui nous concernent

Le Luxembourg répond, dans sa politique culturelle, à une structure progressivement désinstitusionalisée, avec un poids grandissant de partenaires et d’institutions culturelles chaque fois plus autonomes, mais avec des pouvoirs publics qui maintiennent toujours des fonctions importantes dans certains domaines (conservation, formation, diffusion-animation et création).

Il est inévitable de se référer à certains aspects de la gestion des infrastructures culturelles et de la participation qui touche de près l’approche interculturelle qui nous préoccupe. Dans ce point nous regrettons devoir reproduire sans changements ce que nous disions lors du précédent Congrès :

·      Le Clae estime que les « infrastructures culturelles » ne devraient pas dicter la politique culturelle du pays mais qu’au contraire, les politiques culturelles devraient précéder la mise en place d’infrastructures. Par ailleurs, le Clae considère que le terme « infrastructures » ne devrait pas seulement se limiter aux « bâtiments », mais devrait englober tout le réseau associatif ainsi que les ressources humaines, qui dans la pratique, contribuent à développer et à diversifier les activités culturelles au Luxembourg. Nous citerons par exemple l’apport des associations issues de l’immigration lors des années 1995 et 2007, Luxembourg capitale européenne de la culture.

·      À l’ancienne politique culturelle de « démocratisation de la culture » (la volonté d’apporter la culture classique au « peuple ») - qui ne profitait qu’aux artistes (subventionnés) et aux classes sociales prédisposées à recevoir cette culture (bourgeoisie et classes moyennes) – se substitue progressivement une politique de soutien à « l’animation culturelle », capable de souder les citoyens autour d’identités locales ou populaires. Cette fonction d’intermédiaire, à l’origine de laquelle on trouve souvent le monde associatif, est privilégiée actuellement dans toute politique  moderne de gestion culturelle. Il est regrettable de constater qu’au Luxembourg, des actions culturelles (Salon du Livre et des Cultures) développées à l’échelle nationale par des organisations comme le Clae et autres n’ont trouvé jusqu’à présent qu’un écho très faible auprès du Ministère de la Culture.

·      En négligeant les populations issues de l’immigration et leur implication dans la vie culturelle du pays, la politique officielle sous-estime les activités et l’autonomie de toutes les personnes qui, organisées en réseaux ou en associations, produisent des événements culturels de qualité, durables et permanents : le Folk Clupp, le Jazz Club, le Círculo Cultural Español Antonio Machado, le Centre Català, le Circolo Culturale e Recreativo Eugenio Curiel, l’Asti, de nombreuses nouvelles associations et bien évidemment le Clae et son Festival des Migrations, des Cultures et de la Citoyenneté dont l’organisation annuelle depuis plus de 28 ans prouve la popularité d’événements mêlant toute sorte de cultures populaires, d’ouvertures sur d’autres mondes et création de liens sociaux.

·      Dans presque toutes les communes du Grand-duché, une politique de création de Centres Culturels (excellemment lotis du point de vue de l’infrastructure) s’est développée. Trop souvent, même si les projets « interculturels » et souvent multiculturels se développent ces dernières années, ces centres ne servent que pour des réunions du soir des associations ou au maximum pour une ou deux fêtes annuelles. Il faudrait augmenter les ressources en termes d’animateurs locaux afin que des idées et de l’appui soit mis à la disposition des associations issues de l’immigration ou pas pour faire vivre ces centres. Il faudrait dessiner un modèle de gestion participative adapté à chacun de ces centres pour qu’ils deviennent un point de rencontre et d’échange interculturel.

·      Même si le rôle de certaines associations et du Clae a été publiquement loué par les autorités et qu’elles sont devenues des partenaires importants dans certains domaines, ces associations et les associations d’étrangers en général auraient mérité de la part du Ministère de la Culture un soutien économique digne de ce nom et de plus grandes possibilités de participation. Le problème reste toujours le contexte d’une politique de subsides manquant de transparence et sans vocation de soutenir les projets durables (problème qui d’ailleurs touche toutes les associations du Luxembourg).


Si le Clae est attentif depuis de longues années à la reconnaissance des diverses expressions culturelles qui composent la société luxembourgeoise, il n’est pas moins soucieux des opportunités d’accès des citoyens d’origine étrangère aux manifestations culturelles. Il s’est engagé, dès 2007, dans un groupe de réflexion qui a abouti à la création de l’association Cultur’all, et à la mise en place en 2010 du Kulturpass.3

La problématique nous semblait – et nous semble toujours -  importante dans la mesure où, au Luxembourg comme ailleurs, une grande part de la population n’a que très difficilement accès à la culture et qu’elle n’est que peu prise en compte par la politique culturelle telle qu’elle est définie par le gouvernement. L’origine sociale est, en effet, déterminante dans la relation qu’on entretient avec les arts, ce qui explique qu’une grande partie de la population issue de l’immigration en soit éloignées.

Le Clae s’est également associé au Pacte culturel4, issu de l’initiative citoyenne Forum Culture(s) et basé sur le document Manifeste pour un pacte culturel. Ce document identifie les défis d’une politique culturelle durable au Luxembourg et propose des mesures pour faire face à ces défis. Les partis politiques ont signé ce Pacte en décembre 2008. Ils s’engagent par là à œuvrer pour une politique culturelle qui s’inscrit dans un projet de société et qui intègre des objectifs économiques, sociaux, environnementaux et culturels. Le Forum Culture(s) est une plate-forme d’échange, de discussion et de proposition entre artistes, acteurs culturels et membres de la société civile luxembourgeoise. Dans ses analyses, propositions et recommandations, concernant les réponses à donner aux grands défis qui se posent à la vie culturelle au Luxembourg, à sa politique culturelle et au développement durable de la société luxembourgeoise, dans un contexte de mondialisation et d’intégration européenne renforcée, il s’adresse tant aux pouvoirs publics, aux niveaux national et communal, qu’aux partis politiques et aux parlementaires.


Le Clae demande :

·      que le gouvernement mette en place une véritable politique de médiation culturelle qui permette à toutes les personnes ordinairement éloignées de la culture de se familiariser avec les arts si elles le désirent,
·      que les institutions culturelles s’ouvrent à des formes artistiques plus populaires.


6. L'action spécifique du Clae dans le domaine culturel

L’approche interculturelle devient, compte tenu de la composition plurielle de la société luxembourgeoise et de l’analyse que de manière générale le Clae fait du futur de notre société, sa politique de référence. Nous prenons aussi en compte les faiblesses dans la politique culturelle que nous avons essayé d’analyser.

Les moyens de participation des étrangers aux initiatives culturelles du Grand-duché

·      Il y a un besoin de participation des personnes de nationalités étrangères et des associations issues de l’immigration à l’action culturelle de l’Etat. La disparition du Conseil National de la Culture (CNC) au début des années 90 a laissé un vide qui devrait être occupé dans un futur immédiat par un organisme de consultation, plus opérationnel que l’ancien CNC, sur les grandes lignes de la politique culturelle du Luxembourg. Dans cette structure de consultation, les associations issues de l’immigration devraient avoir leur place à travers la participation directe du Clae.

·      À cet effet nous souhaiterions que des réunions périodiques aient lieu entre la Commission Culturelle du Clae et le Ministère de la Culture. Nous considérons que la participation aux grandes orientations de la vie culturelle pourrait être étendue à la Ville de Luxembourg, qui est devenue un grand agent culturel du pays, de même qu’à d’autres villes du Grand-duché.

Le Luxembourg est une des îles principales de l’archipel de notre vie : Le Festival des Migrations et Le Salon du Livre et des Culture comme événements culturels

À regarder se construire et évoluer, depuis presque 30 ans, le Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté, nous avons le sentiment qu’une nouvelle géographie humaine se dessine sous nos yeux. Ce rituel de rencontres existe depuis vingt-neuf années et il se façonne encore de bric et de broc. Il s’échafaude toujours avec l’aide de centaines de bénévoles dont les plus anciens nous décrivent, entre amitiés et affections, toute une fresque de solidarité. Cette fête citoyenne continue à interpeller car nombreux sont ceux qui viennent y dire que nous faisons monde ici au Grand Duché et que le Luxembourg est une part de notre vie. Cette nouvelle géographie que nous construisons les uns avec les autres croise de multiples cultures et fait chœur dans les halls du Kirchberg pour nous donner à lire un nouveau monde. Mais, ne faudrait-il pas parler de mondes nouveaux ? De nouvelles découvertes se font jour dans les venelles du Festival. Ces constellations d’associations qui s’appuient sur des héritages anciens, disent de nouvelles solidarités, des échanges à renouveler, une autre manière d’appartenir à cette terre pour faire identité avec les nombreuses références qui nous construisent. Des associations se créent et se joignent à nous d’une année sur l’autre pour dire de nouvelles préoccupations, de nouveaux engagements, une nouvelle manière d’être au Luxembourg qui ne s’accommode plus des appartenances étroites hérités des siècles précédents. Monde de la contestation qui refuse que soient brisées les anciennes solidarités, espaces de la convivialité où la parole est amicale aux autres et où les cultures sont offertes en partage.

Depuis bientôt trente années, le Festival, accompagné de nombreuses dynamiques associatives venues de tout le pays, des régions voisines, des pays de départ, donne à entendre, à regarder et à comprendre le Luxembourg qui fait monde.  À qui sait y voir, notre-votre festival est un instantané de notre société et les visiteurs profanes ne s’y trompent pas en découvrant une humanité au Luxembourg qu’il n’imaginait pas. Avec des pas d’échassier, de multiples expressions culturelles et de nombreuses questions sociales arpentent le Grand-duché toute l’année. Elles se retrouvent, se croisent et se meuvent dans les allées de la manifestation, sur la scène, dans les stands, dans les cuisines et les expositions, dans les rencontres littéraires, aux comptoirs et aux débats du festival.

Le Festival ne milite pas pour un vivre-ensemble : nous vivons depuis toujours ensemble. Nous préférons faire ensemble. Le Festival n’est pas un acteur pour l’intégration: integrare - rendre entier avec le mouvement de participation des citoyens est d’abord affaire de droits égaux pour tous. Nous militons pour une égalité citoyenne pour tous les résidents. Le Festival ne souhaite pas discriminer entre des non-identités — non-Luxembourgeois, migrants, frontaliers, … — mais plutôt s’engager pour faire société ensemble. Le Festival ne veut pas désigner des « communautés », pour ne pas assigner des identités complexes en perpétuel mouvement, pour ne pas particulariser les appartenances nationales ou les références culturelles. Le Festival est le lieu d’un idéal citoyen qui ne s’adresse pas à des groupes spécifiques, mais aux expressions associatives et à chacun, là où il se trouve, sur ce sol où il vit, d’où qu’il vienne, pour être et devenir.

Malheureusement, l’avenir du Festival n'est pas à l’abri de difficultés financières. Il est sans doute victime de son succès, mais aussi de coûts économiques difficiles à supporter (il n'a jamais été conçu comme un 'business') et nous refusons de faire assumer ses coûts au monde associatif. Le Festival est également victime d'un manque d'intérêt des autorités culturelles qui, de nouveau, semblent privilégier le financement d'autres activités qui sont loin de rencontrer le succès populaire de ce festival.

Nous souhaiterions que les activités du Festival puissent être jumelées tout au long des jours qui le précèdent, avec d’autres activités culturelles (cinéma, théâtre, expositions, concerts, sport). Cela permettrait d’élargir ses possibilités et son impact sur la population de nationalité luxembourgeoise qui pourrait ainsi découvrir d’autres traits des communautés qu’elle côtoie tous les jours, différents de ceux purement folkloriques et gastronomiques. L’introduction ces dernières années de nouvelles manifestations parallèles, comme le Salon du Livre et des Cultures, depuis 2001, témoigne d’une volonté d’aller plus loin dans cette politique d’approche interculturelle.

Depuis sa création, on peut trouver dans le Salon du Livre et des Cultures du Luxembourg des livres dans les langues de la grande majorité des cultures présentes au Grand-duché. Les écrivains que nous continuons à inviter sont toujours proposés par les associations partenaires du Clae: ils sont originaires de plusieurs pays, le Luxembourg y compris. En 10 ans, de nouvelles associations se sont ajoutées, ainsi que des libraires, des éditeurs, des revues, plus nombreux d'une année sur l'autre. Ils nous aident à développer la diversité, la qualité et la renommée du salon qui, toutes proportions gardées, est sans doute une des initiatives les plus originales en Europe. L'évolution se manifeste également par le nombre accru des espaces culturels présents, des rencontres interculturelles, par l'interprétation simultanée vers le français, d'abord à partir de trois et actuellement à partir de sept langues.

Depuis la 9e édition, se réalisent des activités «décentralisées», notamment grâce à la collaboration de la Kulturfabrik et du Centre National de Littérature et entre 2008 et 2010 le Clae a reçu un financement du Fonds européen d'intégration des ressortissants des pays tiers (FEI) et de l'Office luxembourgeois d'intégration et accueil (OLAI), pour favoriser la participation des cultures et des littératures issues des pays tiers.  Malheureusement ce financement n'a pas été renouvelé en 2011.

Des efforts restent à faire de la part des autorités culturelles du pays pour comprendre la place culturelle de choix que le Festival et notamment son Salon du Livre et des Cultures du Luxembourg ont dans notre société. La question culturelle au Luxembourg ne peut pas se limiter à la construction de grandes infrastructures. Elle doit tenir compte de tous les promoteurs culturels qui par leur travail et leur engagement, contribuent à créer du lien social et à promouvoir des activités comme le Festival des Migrations, le Salon du Livre et bien d’autres tout au long de l’année.

Le Clae considère aussi que des événements à grande portée nationale et à forte composante interculturelle comme le sont depuis 2000 le Festival Latino et la Fête de la Musique ainsi que l’encouragement des fêtes des CCE ou d’autres associations locales ou de quartier capables de remplir un vrai rôle culturel et pas simplement gastronomique ou autre, devrait aussi être fortement soutenus par les autorités.

C'est pour cela que le Clae demande que :

·      Les conventions entre le Ministère de la Famille et la Ville de Luxembourg avec le Clae pour le financement du Festival doivent tenir compte du rôle culturel majeur des deux événements, le Festival des Migrations et le Salon du Livre, et adapter son soutien de manière conséquente. Il ne doit pas y avoir le sentiment que n'importe quelle manifestation culturelle mineur reçoive proportionnellement un financement beaucoup plus important que celui que reçoit la seule manifestation à accueillir plus de 30.000 personnes sur un week-end.

·      Le Salon du Livre et des Cultures du Luxembourg doit être reconnu comme manifestation culturelle de première importance au Luxembourg. Hormis, dans des proportions plus modestes, le Salon du Livre Luxembourgeois ou les Walfer Bicherdeeg, il n'y a aucune manifestation comparable dans le pays et sa place doit être reconnue. Une Convention avec le Ministère de la Culture doit être rapidement créée.




1 http://www.clae.lu/html/m4sm4.html
2 BaleineBis, une enquête sur un marché linguistique en profonde mutation

, Fernand Fehlen

3 Le Kulturpass est délivré gratuitement aux personnes qui entrent dans les critères d’attribution de l’allocation de vie chère ainsi qu’aux demandeurs de protection internationale. Il permet l’accès gratuit aux musées et à un 1,5 euros aux manifestations des infrastructures culturelles partenaires du projet. Plus d’informations : www.culturall.lu

4 http://www.forumcultures.lu/index.php?option=com_content&view=article&id=5&Itemid=8
 

Commentaires

Articles les plus consultés