Congrès du CLAE 12 et 13 novembre 2011 (1)
Faire société ensemble :
les pratiques culturelles et linguistiques
les pratiques culturelles et linguistiques
des personnes issues de l’immigration,
des personnes de nationalité étrangère et de leurs
associations
1. L’approche
interculturelle pour une cohésion sociale et culturelle au Luxembourg
2. Relations
interculturelles, dialogues interculturels, métissages culturels
3. La
valorisation de l'engagement associatif
4. L’égalité d’accès à
la langue luxembourgeoise
5. Certains éléments
de la politique culturelle au Luxembourg qui nous concernent
6. L'action spécifique
du CLAE dans le domaine culturel
Ces
cinq dernières années, les transformations profondes qui traversent le champ
culturel au Luxembourg se sont amplifiées. Elles ont pris naissance et se sont
confirmées d’abord en 1995 lorsque Luxembourg Ville devient Capitale européenne
de la culture et dix ans plus tard en 2007 lorsque ce sont Luxembourg et la
Grande Région qui représentent la culture. En un peu plus d’une décennie, le
paysage et les acteurs culturels se seront complètement transformés : d’une
programmation culturelle plutôt – mais pas uniquement – grand public, festive,
assez largement conviviale et populaire en 1995, nous sommes passés à de très
nombreux projets culturels, plus spécialisés dans la gestion « des
publics », plus équilibrés dans la représentation des diverses composantes
de la population, plus professionnel dans la conception et la réalisation,
mieux arbitrés pour ce qui est des enjeux sociologique et politique lors de
l’année 2007. Ce glissement, cette « évolution » conceptuelle ou
sociologique dans la mise en place de projets culturels est au centre de nos
réflexions et de nos propositions lors de ce congrès.
L’accent
et la polémique, encore courtoise, sont souvent mis sur les nombreuses
infrastructures culturelles ou « socio culturelles » qui ont fait
leur apparition depuis 1995 et les coûts financiers et de gestion sont la
plupart du temps avancées dans les argumentations. Mais ces bâtiments ne sont
que des façades qui cachent un désert de réflexion sur les politiques culturelles
qu’il faudrait développer. Il est utile de rappeler ce qui présidait dans la
réalisation de ces projets initiés par Mme Erna Hennicot-Schoepges,
ancienne ministre de la Culture et ministre des Travaux publics : « Nous devons proposer aux composantes très
diverses de la communauté luxembourgeoise (plus de 38 % de "non
nationaux”) un projet culturel capable de consolider une vraie cohésion sociale
et de prouver qu’une identité ne se dilue pas en s’ouvrant aux autres cultures,
mais au contraire peut y trouver matière à partage et à enrichissement. »
Cette
sensibilité aux diverses composantes du Luxembourg, défendue par le Clae depuis
des décennies, commence seulement, ces dernières années, à être prises en
compte dans les programmations et les projets de ces jeunes institutions.
Certaines structures comme la Kulturfabrik dans le sud post-industriel du pays
le faisait depuis longtemps, d’autres comme à Wiltz inscrivaient de temps à
autres une programmation ouverte sur d’autres cultures, certaines communes
proposaient des fêtes interculturelles ou multiculturelles. Mais ces dernières
années, la représentation culturelle des cultures issues de l’immigration
présentes au Luxembourg a augmenté dans les projets de ces institutions, de
nombreuses associations issues de l’immigration sont sollicitées pour apporter
leur concours, mais dans la majorité des cas, ces projets sont plus
multiculturels que réellement interculturels, plus proches d’une programmation
« musiques du monde » que d’un réel désir de penser les cultures du
Luxembourg. Le plus souvent les associations issues de l’immigration,
lorsqu’elles sont sollicitées, servent plus d’alibi culturel, de relai
gastronomique, parfois encore de touche d’exotisme, plutôt que de véritables
acteurs culturels associés à la conception des projets.
Le
Clae, au fil de ses actions et en particulier dans la réalisation du Festival
des migrations, des cultures et de la citoyenneté, revendique une approche
différente dans la mise en place de projets culturels dans une société
interculturelle, du métissage culturel, dans une société où les associations
issues de l’immigration sont aussi nombreuses, dans une société qui doit
appréhender un monde devenu monde.
1. L’approche interculturelle pour une cohésion sociale et
culturelle au Luxembourg
Les
résidents du Luxembourg issus de l’immigration se sont toujours regroupés dans
de nombreuses associations récréatives, culturelles, sportives et sociales qui
font référence à leur pays de départ. Le besoin de se rencontrer autour de
valeurs culturelles communes constitue l’attitude logique de toute personne se
trouvant éloigné de son lieu d’origine ou de celui de ses parents et exprime le
désir de rester en lien avec ses langues et cultures d’origines.
Le
Clae accompagne depuis plus de vingt-cinq années déjà l'évolution de la
migration (immigration et émigration) au
Luxembourg. Les migrations témoignent d'un monde qui bouge et qui se
recompose sans cesse. Le monde associatif n'échappe pas à ce mouvement. Ainsi,
le Clae issu essentiellement de l'immigration italienne, espagnole et
portugaise, recompose maintenant son action militante avec l'apport des
récentes migrations ainsi que des générations nées au Luxembourg.
Les populations venues en immigration au Luxembourg ont toujours créé des associations comme des espaces et des réseaux de solidarité, de fraternité. Ces associations jouent un rôle déterminant à la fois dans la valorisation d’une identité culturelle, le lien avec le pays et la culture d’origine et dans le processus d’installation et de participation citoyenne dans le pays d’accueil. Depuis des années, on peut percevoir comment ce mouvement associatif s’est inscrit dans le pays : dans les années 80 et 90 en termes de luttes sociales et politiques et ces dernières années en investissant aussi le champ culturel. L’évolution du Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté en est l’exemple éclairant.
Grâce
à une coordination et une coopération au sein du Clae, les associations du
Luxembourg issues de l’immigration ont réussi à créer des instruments pour
formuler, avec une approche interculturelle, des revendications légitimes de
nature sociale ou culturelle vis-à-vis des autorités luxembourgeoises et
européennes. Cette approche
interculturelle du Clae poursuit, depuis plusieurs congrès, différentes
missions :
·
La
culture – dans ses multiples formes, expressions, fonctions, phénomènes,
interprétations – n’est pas seulement un domaine fondamental de la vie humaine
individuelle et collective, mais constitue aussi une voie incontournable par
laquelle les individus se relient et font d’une vie commune un projet social.
Elle est la base de nos sociétés. Le droit de prendre part à cette expression
et création implique également une obligation des gouvernements à promouvoir, à
soutenir et à conserver les activités et artéfacts culturels de tous les
résidents du pays.
·
L’inscription
des étrangers et des personnes issues de l’immigration, dans la vie culturelle
et linguistique du pays d’accueil, sera possible seulement si, en plus du désir
et de la volonté de chaque individu de devenir citoyen, de s’engager dans la
vie locale ou associative, les personnes et les associations issues de
l’immigration jouissent du soutien et du traitement égal dans l’accès à la
langue et à la culture du pays d’accueil. Développer un devenir citoyen
exigera, pendant des années encore, une volonté ferme de la part des autorités,
en tenant compte, bien entendu, qu’on ne peut scinder une participation
culturelle d’une participation sociale et politique.
·
Les
références identitaires à la culture et aux pratiques culturelles des pays
d’origine des « communautés » et des associations issues de
l’immigration sont nécessaires pour créer les conditions propices à un devenir
citoyen et à la cohérence sociale et culturelle du pays où résident plus de 43%
de ressortissants étrangers. Elles sont aussi, mises en mouvement dans des
projets associatifs et par leurs inscriptions dans la société luxembourgeoise,
un instrument d’enrichissement mutuel. Ces identités en constante évolution qui
gardent un lien avec le pays de départ permettent d’éliminer et de se préserver
de toute vision « hiérarchique » entre les langues et entre les cultures. Une
conception qui prétendrait établir des catégories différentes de citoyens en
fonction du pays ou de la culture d’origine ne peut résister aux projets qui
mettent en valeur dans le pays de résidence les cultures des pays de départ.
·
L’encouragement
pour les manifestations et les projets qui visent à cultiver des relations et
des échanges interculturels doit devenir la clé d’une inscription citoyenne.
Beaucoup de Commissions Consultatives Communales pour l’intégration se sont
efforcées de le faire au niveau communal et le Clae, par le biais de
l’organisation annuelle du Festival des Migrations, des Cultures et de la
Citoyenneté, du Salon du Livre et des Cultures du Luxembourg, de la Fête de la
Musique et autres projets culturels, le fait au niveau national.
Parmi
les lourds défis que le Grand-Duché devra affronter dans les années à venir
(manque de diversification économique, problèmes d’aménagement du territoire,
mobilité et transports, protection de l’environnement et de la biodiversité,
etc.), il y a celui de l’indispensable cohésion sociale et culturelle à
préserver et à améliorer à tout prix. Si comme le défini le Conseil de l'Europe
: « La cohésion sociale est la
capacité d’une société à assurer le bien-être de tous ses membres, en réduisant
les disparités et en évitant la marginalisation », il est évident qu’à
côté des grands sujets économiques et sociaux, la bataille pour la cohésion
sociale se gagne aussi sur le terrain de la vie culturelle, de la vie
associative, dans les projets culturels, dans le respect de la connaissance des
langues du pays où l’on réside, sous conditions que ces langues soient
accessibles à tous.
2.
Relations interculturelles, dialogues interculturels, métissages culturels
Les
relations interculturelles et le métissage culturel ne représentent rien de
nouveau. Tout au long de l’histoire, les cultures ont été en contact, à travers
le conflit ou le dialogue, l’émigration, l’immigration ou la coopération.
Actuellement, les nouvelles technologies le démontrent à un rythme vertigineux.
Mais existe-t-il vraiment au Luxembourg une ouverture vers d’autres cultures,
fondée sur un échange égalitaire et sur une communication authentique ?
Les
pays européens, pays d’immigration, multiculturels par leur histoire, sont
définitivement voués à penser les relations interculturelles. L’identité, aussi
bien individuelle que collective, naît et croît à travers les différences et se
construit sur les ressemblances. Une culture n’évolue qu’à travers ses contacts
; les relations interculturelles sont constitutives de l’identité culturelle.
Une culture ne peut jamais rester complètement isolée. L’analyse
interculturelle doit donc aboutir au constat que la vérité est plurielle et
relative et que chaque culture doit travailler dans le dépassement de ses
propres horizons pour se confronter le plus librement et le plus objectivement
possible avec les valeurs de l’autre.
Le
Clae fait intégralement siennes les conclusions du Forum À Citoyenneté Égale organisé au mois de Novembre 20101 qui questionnent dans ce sens
plusieurs démarches.
De la mémoire des
migrations
Les
sociétés se construisent en référence à une mémoire et une histoire commune
forgées et transmises par les différents corps sociaux parmi lesquels les
historiens, les écrivains, les mouvements citoyens, associatifs et les
politiques jouent un rôle particulier. La mémoire collective d’un pays résulte
d’un tel travail d’écriture, de rappel, d’imagination et de création et a pour
but de créer un lien entre les membres d’une communauté.
Le
Luxembourg est un territoire fortement marqué par l’immigration, qui a d’abord
largement assuré la main-d’œuvre nécessaire à l’essor de la sidérurgie, puis
s’est investie dans d’autres secteurs économiques. Cet apport ne se limite
toutefois pas au domaine économique : ce sont notamment des grands mouvements
sociaux et associatifs initiés par des personnes venues en immigration –
militant contre les fascismes, les dictatures, pour les libertés, les droits
politiques, la citoyenneté etc. – qui ont contribué à élargir la
démocratisation de nos sociétés actuelles. Les richesses, économiques, sociales,
culturelles et politiques reposent beaucoup sur l’immigration qui, pourtant,
n’a qu’une place marginale dans les histoires nationales.
Dans
le cadre de l’année 2007, Luxembourg Capitale européenne de la culture, le
Clae, le Centre de Documentation sur les Migrations Humaines de Dudelange et la
ville de Dudelange, en collaboration avec le monde associatif, ont réalisé une
très grande exposition, Retour de Babel à l’ancienne aciérie Arcelor de
Dudelange. Pendant de nombreux mois, les permanents et bénévoles du Clae ont
travaillé sur les contenus de cette grande manifestation qui se veut une
contribution à l’histoire de l’immigration au Luxembourg et de l’émigration du
Luxembourg. En conséquence et suite à ce travail, nous proposons :
·
d’inclure
l’histoire des immigrations dans les histoires régionales et nationales pour
que les personnes venues en migration acquièrent une plus grande légitimité que
leur reconnaît la mémoire collective et pour que leurs contributions, leurs
réalisations s’inscrivent dans le patrimoine matériel et immatériel du pays,
·
d’inclure
l’enseignement de l’histoire des immigrations dans les cursus d’histoire
enseignés dans les établissements scolaires,
·
de
porter davantage d’attention et de moyens financiers à la conservation des archives
des associations issues de l’immigration comme source mémorielle du pays et de
son patrimoine,
·
d’accorder
un espace à la mémoire migratoire dans le patrimoine national, en valorisant
les sites mémoriels liés à l’immigration, en créant des lieux symboliques de
commémoration, en encourageant la programmation culturelle liée au travail
mémoriel – cinéma, exposition, conférences, etc. – et en instituant un espace
dédié à ces mémoires dans les archives nationales,
·
aux
acteurs professionnels qui assurent la communication et l’information dans nos
sociétés – journalistes, auteurs, modérateur, etc. – de veiller à ne pas
reproduire des stéréotypes pesant sur les groupes culturels mais d’analyser les
événements sous le prisme de leur complexité, sans essentialisme et sous
l’angle des conditions sociales.
De l’évolution des paradigmes
Nous
entendons par « culture » non pas une entité cloisonnée, isolée, fixe,
statique, une pensée qui accentuerait la différence, mais comme l’expression
des individus dans les sociétés, résultante dynamique et toujours en mouvement
d’une citoyenneté, d’un ensemble de relations humaines et de la volonté de
chacun de participer à la vie de la Cité et de considérer également que chaque
personne est porteuse de culture dans le sens qu’elle se situe dans ce réseau
de références et de sens, qui se réfère au passé, au présent et à l’avenir, et
qui doit nous permettre d’œuvrer contre toutes les mentalités, théories,
philosophies et politiques qui établissent une hiérarchie entre les cultures.
Nous
croyons que chacun a le droit d'avoir une identité multiple constituée par de
multiples références. Cette vision englobe l’accentuation sur les ressemblances
et sur ce que les humains ont en commun au lieu de ce qui les différencie les
uns des autres. L’ouverture des identités, l’accent mis sur le partage, la
solidarité, la fraternité et les relations interculturelles sont également au
cœur de l’expérience migratoire : le questionnement et la redécouverte qu’elle
implique correspond à notre tendance à l’imaginer comme le fruit d’un « travail
personnel » effectué tout au long d’une trajectoire de vie, et nous invite à
dépasser des langages et discours qui renvoient à l’image d’identités fermées
et immobiles.
3.
La valorisation de l'engagement associatif
Il
n’y a pas de reconnaissance culturelle sans le respect des origines, sans la
connaissance de l’histoire d’une immigration et sans la disparition des
inégalités dans le domaine social. Rien n’est en somme plus positif pour
l’inscription et la participation des personnes issues de l’immigration dans la
société luxembourgeoise que de pouvoir participer à la vie sociale.
Les
associations issues de l’immigration, bien que leur rôle ne soit dans ce sens
pas toujours reconnu et encouragé, jouent un rôle central dans l’animation, le
façonnement et la vie culturelle des sociétés d’accueil. Elles sont vecteurs de
participation à la société d’accueil mais également une référence importante du
lien avec les pays d’origine. Valoriser les cultures — au sens large du terme —
issues de l’immigration passe d’abord par une reconnaissance officielle de
cette participation citoyenne.
Pour
développer convenablement leur projet, toutes les associations ont néanmoins
besoin d’un espace où elles peuvent se rencontrer, échanger, décider, organiser
leurs activités. Ce lieu, commun mais néanmoins ouvert, peut aussi leur
garantir une certaine visibilité et légitimer par son inscription dans l’espace
public les objectifs qu’ils se sont fixés.
Il
conviendrait également d’apporter davantage d’attention aux problèmes de
financement. Une des raisons repose sur la complexité des différentes sources,
mais aussi sur les préjugés de certains financeurs. Les moyens alloués ne sont
de ce point de vue pas toujours les mêmes que ceux des associations
luxembourgeoises. Nous estimons en définitive que divers problèmes se posent et
que seul l’effort combiné des autorités de l’Etat et des Communes pourra
faciliter une solution.
·
Nous
croyons que chaque personne et association issue de l’immigration doit pouvoir
vivre et exprimer librement sa culture dans le respect du cadre législatif du
pays d’accueil et que l’engagement associatif en faveur de la promotion
culturelle et citoyenne doit être considéré comme une volonté légitime de représenter
sa culture, de participer à la vie culturelle de la société d’accueil et de
contribuer à enrichir son patrimoine matériel et immatériel.
·
Que
toute personne issue de l’immigration soit considérée en tant que citoyen à
part entière, c’est-à-dire qu’elle puisse participer et s’inscrire pleinement
dans la vie sociale, culturelle, économique et politique des sociétés du
Luxembourg.
·
Que
le rôle que les associations issues de l’immigration jouent dans la dynamique
interculturelle des sociétés d’accueil soit beaucoup plus reconnu et qu’elles
soient soutenues et promues dans cette optique.
·
Nous
voulons aussi que l’engagement associatif des jeunes issus de l’immigration
soit encouragé et reconnu.
·
Le
Clae s’emploiera à ce que les associations d’étrangers ou issues de
l’immigration puissent profiter des facilités contenues dans les Accords
culturels signés entre le Luxembourg et des pays tiers.
·
De
créer davantage d’espaces et d’occasions voués à favoriser l’échange entre les
diverses associations et personnes issues de l’immigration présentes et ainsi
encourager le métissage culturel.
·
Que
chaque association faisant preuve d’un certain dynamisme – en tant qu’acteur de
la société civile – ait accès à un local, c’est-à-dire un lieu précis
d’activité, un espace de réunion et de rencontre.
·
L’égalité
de traitement dans l’attribution des salles aux associations, davantage de mise
à disposition de salles/locaux par les communes pour toutes les associations y
compris celles issues de l’immigration.
·
Les
espaces culturels des nouveaux bâtiments culturels devraient être pleinement
accessibles aux associations d’étrangers et aux associations issues de
l’immigration. Nous souhaiterions qu’un effort particulier soit fait par la
Ville de Luxembourg et d’autres communes pour mettre des locaux à la
disposition des associations étrangères qui puissent garantir une gestion
ouverte et participative.
·
D’accorder
une subvention aux associations qui souhaitent louer un local / de faciliter
les conditions d’accès aux espaces associatifs, en créant notamment davantage
de cités et maisons associatives.
·
Les
salles et moyens informatiques du Clae seront, dans la mesure du possible, sont
mis à la disposition des associations dans le cadre des procédures de
collaboration.
·
Que
le Ministère de la culture reconnaisse enfin les projets des associations
issues de l’immigration et qu’il apporte un réel soutien financier aux projets
les plus innovants et développe une réelle politique de partenariat et de
convention avec les associations porteuses de projets interculturels. Le Clae
est d’avis que la politique de Conventions avec le Ministère de la Culture
devrait être plus ample et ouverte vis-à-vis des associations représentant les
étrangers et les personnes issues de l’immigration au Luxembourg ou plurinationales
jouant un rôle important dans la vie culturelle du Grand-Duché.
·
Que
les pouvoirs publics renforcent leur soutien aux associations issues de
l’immigration pour qu’elles puissent accomplir de façon intégrale les rôles
sociaux, culturels, économiques et politiques qu’elles jouent déjà dans les
sociétés d’accueil. Que ces associations soient reconnues comme ressources dans
les transmissions culturelles qui permettent aux enfants issus de l’immigration
s’ils le souhaitent de s’enrichir et de se constituer avec des références
héritées de l’horizon culturel de leurs parents.
·
Une
meilleure répartition des fonds entre les différents acteurs de la société
civile, quels que soient leur taille, leur âge, l’origine sociale et culturelle
des membres.
·
Que
davantage de subsides soient accordés en soutien aux petites associations, dont
font partie un grand nombre de personnes issues de l’immigration.
·
De
donner une meilleure visibilité aux sources de financement, à travers notamment
un site Internet unique regroupant les informations utiles.
·
De
soutenir des initiatives comme les bourses d’échange ou de prêt de matériel, de
services, etc. qui ont pour
vocation de faciliter l’autofinancement des associations.
·
Une
facilitation des démarches liées à la trésorerie, c’est-à-dire la création de
fonds de garantie également ouverts aux petites et jeunes associations.
·
Le
Clae veillera à ce que les activités de toutes les associations membres du
Clae, soient présentées dans les médias où il a une participation propre
(Horizon, Radio Latina, Radio ARA et autres).
4.
L’égalité d’accès à la langue luxembourgeoise
Depuis
des années, la langue luxembourgeoise gagne jour après jour en prestige et en
espaces d’utilisation publique plus importants. La réaffirmation de la langue
nationale, qui est l’aspect identitaire le plus marquant pour les
Luxembourgeois, était inévitable dans un contexte d’avancement de l’Union
Européenne et de la consolidation des phénomènes de globalisation. Cet aspect
identitaire lié à la langue est en effet une partie de la réaffirmation
naturelle de la personnalité propre du pays dans les nouveaux espaces
politiques et culturels qui se dessinent. Ce processus (coexistence de
phénomènes de mondialisation et de réaffirmation régionale), qui est identique
à ceux qu’on voit ailleurs dans le monde, n’a rien de négatif s’il est vécu
comme consolidation de la cohésion sociale et culturelle du pays, en intégrant
de manière dynamique toutes ses composantes et en respectant ses différentes
manifestations d’origine. Par contre, il peut devenir un phénomène d’exclusion
et de division sociale, quand il se manifeste comme le rassemblement, face à
l’autre, de valeurs imaginaires de supériorité (culturelle, raciale ou
religieuse surtout dans ses aspects les plus déformés et agressifs). Ces
attitudes de « supériorité » par la langue ne sont pas spécifiques aux
Luxembourgeois, loin de là, mais viennent parfois aussi de certains, qui par
une simple approche démographique, tirent des conclusions sur la langue
luxembourgeoise comme une langue minoritaire ne "méritant" pas un
effort d'apprentissage. Des conclusions qui font plus de mal que de bien à une
approche interculturelle et égalitaire des langues et des cultures que le Clae
préconise (Les questions interculturelles bien comprises commencent par soi).
Si
la langue luxembourgeoise n’occupe pas la place de langue véhiculaire dans tous
les domaines de la vie sociale, il ne faut pas le reprocher au tiers de la
population qui n’a jamais trouvé une situation favorable à son apprentissage
mais surtout à l’inexistence jusqu’à ces dernières années d’une vraie politique
linguistique de la part des autorités luxembourgeoises.
La consolidation de
groupes à comportements linguistiques différents
Force
est de constater que des groupes de population avec des pratiques linguistiques
différentes se sont installées dans le pays et qu’il faut l’accepter dans
l’immédiat sans pour autant abandonner, mais au contraire renforcer, les
politiques de diffusion de la connaissance des langues du pays à tous les
niveaux.
L’expérience
des politiques linguistiques dans d’autres pays de l’UE nous montre que
l’action politique visant à développer la présence sociale d’une langue et sa
compréhension chez la partie de la population qui ne la maîtrise pas, peut se
traduire dans un sens réactionnaire (chercher l’exclusion linguistique d’une
partie de la population pour préserver une situation de pouvoir économique ou
de groupe) ou dans un sens progressiste (inclure la majorité de la population
dans la connaissance de la/les langue/s nationale/s pour garantir l’égalité des
chances). Au Luxembourg il faut être conscient que chaque expérience
personnelle comporte des exigences linguistiques différentes dans la
connaissance du français, de l’allemand et du luxembourgeois. Les connaissances
linguistiques différentes selon les expériences au travail, dans la famille et
dans la vie sociale et associative.
Les langues et la
génération issue de parents venus en migration
Durant le dernier Congrès nous avions
attiré l'attention sur le fait que la génération issue de parents venus en
migration, donc ceux qui pour la majorité sont nés au Luxembourg ou qui sont
arrivés à un très jeune âge, parlent couramment le luxembourgeois, ce qui les
différencie de leurs parents. De ce fait, ils ne sont plus considérés
entièrement comme des étrangers par la population autochtone. Le français reste
encore cependant la langue parlée par beaucoup de jeunes issus de l’immigration
dans la ville de Luxembourg et elle semblerait s’imposer de plus en plus au
centre du pays comme langue véhiculaire entre les jeunes. Ce phénomène ne s’est
pas répandu dans les autres lycées du Grand-Duché, où le luxembourgeois reste
la langue principale de communication et où l’usage du français semble, au
contraire, en nette diminution parmi les jeunes. Rien ne semble donc indiquer,
vu les comportements dans la tranche d’âge 15-24, que les groupes à
connaissances linguistiques différenciées soient amenés à disparaître dans les
années à venir.
Si
la langue française est majoritairement considérée comme n’étant pas un symbole
culturel luxembourgeois, les jeunes de nationalité portugaise et ceux
originaires de pays tiers se positionnent, d'après l'enquête BaleineBis2 sur cette question de
façon plus neutre. Si l'usage du français est appréhendé de plus en plus
négativement par les jeunes luxembourgeois ainsi que par les jeunes originaires
des Balkans, les jeunes originaires de pays frontaliers, du Portugal ou encore
de pays tiers l’envisagent de façon beaucoup plus positive. Ces constats
peuvent notamment déboucher sur la question de savoir quelles sont les
situations dans lesquelles les jeunes luxembourgeois sont amenés à parler
librement le français, à l’école et ailleurs. En effet, pour ces jeunes, parler
le français est souvent vu comme une contrainte, exception faite d’un usage au
sein d’un groupe d’amis étrangers. La dichotomie enseignement
classique/enseignement technique semble ici de nouveau opérante; une dichotomie
confirmée par d’autres résultats montrant par exemple qu’un plus grand nombre
de jeunes de l’enseignement classique réclame une prédominance du
luxembourgeois sur le français.
L'allemand aussi une
langue d'intégration ?
On
pourrait considérer que l'allemand est aussi en train de devenir, d'une
certaine manière, une langue d'intégration pour les immigrés vivant au
Luxembourg. D'abord tout naturellement pour les jeunes puisque c'est la langue
véhiculaire du système scolaire. Elle est perçue de façon plus
"neutre", comme un grand atout de valorisation sur le marché du
travail et comme une langue qui permet aussi l'accès aux nombreux médias et
activités culturelles germanophones disponibles au Luxembourg. Aussi beaucoup
d'adultes, considérant que l'allemand est très proche du luxembourgeois et avec
une démographie et poids économique supérieur a celui du français, se tournent
vers l'apprentissage de l'allemand comme une sorte de "compromis"
pour une intégration plus effective que le seul apprentissage du français. La
réaction des locuteurs luxembourgeois face à quelqu'un qui s'exprime en
allemand est généralement beaucoup plus positive que s'il ne sait utiliser que
le français.
L'allemand
permettra, pour beaucoup, une compréhension passive du luxembourgeois et
constituera, peut être, une porte vers son apprentissage ultérieur. D'ailleurs
et comme le montre l'enquête, BaleineBis,
l'allemand est sans doute préféré, pour beaucoup, au français pour les raisons
exposés avant, ce qui expliquerait le fait que autant de résidents déclarent
utiliser plus ou moins régulièrement l'allemand et le luxembourgeois
(respectivement 81% et 82%) et que presque 40% des portugais (et presque 70%
d'autres nationalités) indiquent aussi l'utiliser régulièrement. Ces taux étant
par ailleurs comparables a ceux de l'utilisation de l'anglais qui tend à
devenir une langue de communication de plus en plus importante.
Vers un rééquilibre linguistique au
Luxembourg ?
Comme
signalé précédemment, les conséquences de cette nouvelle donne linguistique
sont, à la longue, difficiles à prévoir mais confirment bien qu’un rééquilibre
sociolinguistique, avec un poids supérieur des langues germaniques, est en
train de s'opérer dans le pays et qu'il deviendra de plus en plus visible dans
les prochaines décennies.
La
difficulté de la langue luxembourgeoise effraie un grand nombre d’immigrés
adultes, issus notamment des pays de langues latines. Leur sentiment
d’incapacité face à cette langue est tel qu’ils la considèrent comme un
obstacle insurmontable. Des observations empiriques dans les activités du Clae
et d'autres associations montrent, par contre, que l’attitude des populations
en provenance des anciens pays de l’Est, qu’ils soient ressortissants des
nouveaux pays de l’UE ou demandeurs d’asile, est beaucoup plus encline à un
apprentissage des langues germanophones.
Cela
doit, forcement, avoir des conséquences dans la façon dont le Clae et les
autres organisations militant pour les droits des étrangers et des populations
issues de l’immigration intègrent cette donne. La place à donner à la
connaissance de la langue luxembourgeoise et à des actions imaginatives pour la
promouvoir en douceur deviennent importantes mais, au même temps, préserver la
valeur 'fédératrice' du français (d'après Fernand Fehlen) comme langue de
communication entre communautés et comme langue de relation entre
l'administration et les partis politiques avec une grande partie de la
population deviennent aussi un élément à renforcer dans les objectifs de chaque
organisation pour des raisons 'pratiques' de facilitation de la communication.
Le partenariat
linguistique volontaire
Dans
le précédent Congrès nous avions signalé qu'un fait inhérent au multilinguisme
des Luxembourgeois est que lorsqu’un Luxembourgeois s’aperçoit qu’il se trouve
face à un étranger, il recourt tout de suite à la langue française. Nous avions
proposé qu'il faudrait promouvoir des expériences comme le « partenariat » ou
le « parrainage » linguistique, un locuteur luxembourgeois qui s'engage
bénévolement à partager des conversations avec une autre personne qui essaye d'apprendre
la langue, et ainsi valoriser la réponse en luxembourgeois d’un interlocuteur
qui essaye d’employer cette langue.
En conclusion les
propositions à court terme du Clae pour l’apprentissage linguistique seraient :
·
Des
crédits-formations au niveau des entreprises pour faciliter l’organisation des
cours de langue luxembourgeoise, allemande et française pendant les horaires de
travail. Pour cela, des mesures devraient être adoptées afin d’encourager les
entreprises à organiser des cours de langues élargissant les facilités prévues
par le cadre des Subsides pour l’amélioration de l’intégration des étrangers
par l’apprentissage de la langue luxembourgeoise dans le cadre de la Stratégie
européenne en faveur de l'emploi, aux autres langues officielles ;
·
Revoir
les conditions linguistiques prévues dans le Règlement grand-ducal qui fixe le
niveau du test linguistique pour tous les candidats à la nationalité arrivés au
Luxembourg depuis1984 ;
·
L’offre
de cours de langues à l'INL et dans les communes devrait être modulée de
manière à proposer différentes options concernant les heures de cours (cours
hebdomadaires, semi-intensifs et intensifs) pouvant répondre aux différentes
attentes des participants ;
·
Des
cours de langue luxembourgeoise avec les mêmes droits que le reste des langues
officielles communautaires devraient être organisées dans les institutions de
l’UE et à l’Ecole européenne. Des cours existent parfois depuis quelques années
mais au dehors des horaires de travail ce qui est discriminatoire par rapport
aux autres langues ;
·
La
continuité et l’élargissement dans des meilleures conditions des horaires et
des regroupements des élèves suivant l’origine et les facilités (niveau
d’alphabétisation) linguistique dans les cours de langue luxembourgeoise organisés
dans les communes ;
·
Promouvoir
activement des expériences comme le « partenariat » ou le « parrainage »
linguistique, un locuteur luxembourgeois qui s'engage bénévolement à partager
des conversations avec une autre personne qui essaye d'apprendre la langue ;
·
La
diffusion par les médias (radios et télés) de cours audiovisuels pour
l’apprentissage de la langue luxembourgeoise ne devrait pas être
exceptionnelle. Des outils performants comme le cours audiovisuel DALAS ou autres devraient être
programmées de façon régulière dans la programmation de RTL ;
·
Les
rediffusions à caractère journalier du Journal de RTL-Lëtzebuerg doublé en français ont été mises en pratique par les autorités. Si cela est
positif, la non généralisation du système dual dans les TV des foyers suggère
la nécessité de se poser la question du sous-titrage de ce Journal de façon
plus systématique et habituelle ;
·
Une
offre de cours plus diversifiée en utilisant les facilités Internet devrait
aussi être proposée ; le Clae salue à ce sujet l’initiative QuattroPole
e-learning (www.elearning.lu) ;
·
La
possibilité d’organiser des cours de langue luxembourgeoise directement par les
associations. Les frais inhérents devrait être intégralement pris en charge par
l’Etat via des subsides aux associations afin d’assurer, dans la mesure du
possible, la gratuité des cours ;
·
Encourager
la politique d’édition de dictionnaires bilingues dans les principales langues
des personnes de nationalité étrangère et garantir des tirages massifs à la
portée de tous dans la ligne de ce que le Clae a déjà fait (italien et
néerlandais) ;
·
Préserver,
autant du temps qu'il soit nécessaire, la valeur du français comme langue de
communication entre communautés et comme principale langue de relation des
personnes étrangères ou issues de l’immigration, entre l'administration et les
partis politiques et avec une grande partie de la population en veillant à
faciliter la communication sur l'activité administrative et politique ;
·
Que
des espaces inter linguistiques soient créés dans les administrations, les
écoles et les communes ;
5.
Certains éléments de la politique culturelle au Luxembourg qui nous concernent
Le
Luxembourg répond, dans sa politique culturelle, à une structure progressivement
désinstitusionalisée, avec un poids grandissant de partenaires et
d’institutions culturelles chaque fois plus autonomes, mais avec des pouvoirs
publics qui maintiennent toujours des fonctions importantes dans certains
domaines (conservation, formation, diffusion-animation et création).
Il
est inévitable de se référer à certains aspects de la gestion des
infrastructures culturelles et de la participation qui touche de près
l’approche interculturelle qui nous préoccupe. Dans ce point nous regrettons
devoir reproduire sans changements ce que nous disions lors du précédent
Congrès :
·
Le
Clae estime que les « infrastructures culturelles » ne devraient pas dicter la
politique culturelle du pays mais qu’au contraire, les politiques culturelles
devraient précéder la mise en place d’infrastructures. Par ailleurs, le Clae
considère que le terme « infrastructures » ne devrait pas seulement se limiter
aux « bâtiments », mais devrait englober tout le réseau associatif ainsi que
les ressources humaines, qui dans la pratique, contribuent à développer et à
diversifier les activités culturelles au Luxembourg. Nous citerons par exemple
l’apport des associations issues de l’immigration lors des années 1995 et 2007,
Luxembourg capitale européenne de la culture.
·
À l’ancienne
politique culturelle de « démocratisation de la culture » (la volonté
d’apporter la culture classique au « peuple ») - qui ne profitait qu’aux
artistes (subventionnés) et aux classes sociales prédisposées à recevoir cette
culture (bourgeoisie et classes moyennes) – se substitue progressivement une
politique de soutien à « l’animation culturelle », capable de souder les
citoyens autour d’identités locales ou populaires. Cette fonction
d’intermédiaire, à l’origine de laquelle on trouve souvent le monde associatif,
est privilégiée actuellement dans toute politique moderne de gestion culturelle. Il est regrettable de
constater qu’au Luxembourg, des actions culturelles (Salon du Livre et des
Cultures) développées à l’échelle nationale par des organisations comme le Clae
et autres n’ont trouvé jusqu’à présent qu’un écho très faible auprès du
Ministère de la Culture.
·
En
négligeant les populations issues de l’immigration et leur implication dans la
vie culturelle du pays, la politique officielle sous-estime les activités et
l’autonomie de toutes les personnes qui, organisées en réseaux ou en
associations, produisent des événements culturels de qualité, durables et
permanents : le Folk Clupp, le Jazz Club, le Círculo Cultural Español Antonio
Machado, le Centre Català, le Circolo Culturale e Recreativo Eugenio Curiel,
l’Asti, de nombreuses nouvelles associations et bien évidemment le Clae et son
Festival des Migrations, des Cultures et de la Citoyenneté dont l’organisation
annuelle depuis plus de 28 ans prouve la popularité d’événements mêlant toute
sorte de cultures populaires, d’ouvertures sur d’autres mondes et création de
liens sociaux.
·
Dans
presque toutes les communes du Grand-duché, une politique de création de
Centres Culturels (excellemment lotis du point de vue de l’infrastructure)
s’est développée. Trop souvent, même si les projets
« interculturels » et souvent multiculturels se développent ces
dernières années, ces centres ne servent que pour des réunions du soir des
associations ou au maximum pour une ou deux fêtes annuelles. Il faudrait
augmenter les ressources en termes d’animateurs locaux afin que des idées et de
l’appui soit mis à la disposition des associations issues de l’immigration ou
pas pour faire vivre ces centres. Il faudrait dessiner un modèle de gestion
participative adapté à chacun de ces centres pour qu’ils deviennent un point de
rencontre et d’échange interculturel.
·
Même
si le rôle de certaines associations et du Clae a été publiquement loué par les
autorités et qu’elles sont devenues des partenaires importants dans certains
domaines, ces associations et les associations d’étrangers en général auraient
mérité de la part du Ministère de la Culture un soutien économique digne de ce
nom et de plus grandes possibilités de participation. Le problème reste
toujours le contexte d’une politique de subsides manquant de transparence et
sans vocation de soutenir les projets durables (problème qui d’ailleurs touche
toutes les associations du Luxembourg).
Si
le Clae est attentif depuis de longues années à la reconnaissance des diverses
expressions culturelles qui composent la société luxembourgeoise, il n’est pas
moins soucieux des opportunités d’accès des citoyens d’origine étrangère aux
manifestations culturelles. Il s’est engagé, dès 2007, dans un groupe de
réflexion qui a abouti à la création de l’association Cultur’all, et à la mise
en place en 2010 du Kulturpass.3
La
problématique nous semblait – et nous semble toujours - importante dans la mesure où, au
Luxembourg comme ailleurs, une grande part de la population n’a que très
difficilement accès à la culture et qu’elle n’est que peu prise en compte par
la politique culturelle telle qu’elle est définie par le gouvernement.
L’origine sociale est, en effet, déterminante dans la relation qu’on entretient
avec les arts, ce qui explique qu’une grande partie de la population issue de
l’immigration en soit éloignées.
Le
Clae s’est également associé au Pacte culturel4, issu de l’initiative
citoyenne Forum Culture(s) et basé sur le document Manifeste pour un pacte culturel. Ce document identifie les défis
d’une politique culturelle durable au Luxembourg et propose des mesures pour
faire face à ces défis. Les partis politiques ont signé ce Pacte en décembre
2008. Ils s’engagent par là à œuvrer pour une politique culturelle qui
s’inscrit dans un projet de société et qui intègre des objectifs économiques,
sociaux, environnementaux et culturels. Le Forum Culture(s) est une plate-forme
d’échange, de discussion et de proposition entre artistes, acteurs culturels et
membres de la société civile luxembourgeoise. Dans ses analyses, propositions
et recommandations, concernant les réponses à donner aux grands défis qui se
posent à la vie culturelle au Luxembourg, à sa politique culturelle et au
développement durable de la société luxembourgeoise, dans un contexte de
mondialisation et d’intégration européenne renforcée, il s’adresse tant aux
pouvoirs publics, aux niveaux national et communal, qu’aux partis politiques et
aux parlementaires.
Le Clae demande :
·
que
le gouvernement mette en place une véritable politique de médiation culturelle
qui permette à toutes les personnes ordinairement éloignées de la culture de se
familiariser avec les arts si elles le désirent,
·
que
les institutions culturelles s’ouvrent à des formes artistiques plus populaires.
6.
L'action spécifique du Clae dans le domaine culturel
L’approche
interculturelle devient, compte tenu de la composition plurielle de la société
luxembourgeoise et de l’analyse que de manière générale le Clae fait du futur
de notre société, sa politique de référence. Nous prenons aussi en compte les
faiblesses dans la politique culturelle que nous avons essayé d’analyser.
Les moyens de
participation des étrangers aux initiatives culturelles du Grand-duché
·
Il y
a un besoin de participation des personnes de nationalités étrangères et des
associations issues de l’immigration à l’action culturelle de l’Etat. La
disparition du Conseil National de la Culture (CNC) au début des années 90 a
laissé un vide qui devrait être occupé dans un futur immédiat par un organisme
de consultation, plus opérationnel que l’ancien CNC, sur les grandes lignes de
la politique culturelle du Luxembourg. Dans cette structure de consultation,
les associations issues de l’immigration devraient avoir leur place à travers
la participation directe du Clae.
·
À
cet effet nous souhaiterions que des réunions périodiques aient lieu entre la
Commission Culturelle du Clae et le Ministère de la Culture. Nous considérons
que la participation aux grandes orientations de la vie culturelle pourrait
être étendue à la Ville de Luxembourg, qui est devenue un grand agent culturel
du pays, de même qu’à d’autres villes du Grand-duché.
Le Luxembourg est une
des îles principales de l’archipel de notre vie : Le Festival des
Migrations et Le Salon du Livre et des Culture comme événements culturels
À
regarder se construire et évoluer, depuis presque 30 ans, le Festival des
migrations, des cultures et de la citoyenneté, nous avons le sentiment qu’une
nouvelle géographie humaine se dessine sous nos yeux. Ce rituel de rencontres
existe depuis vingt-neuf années et il se façonne encore de bric et de broc. Il
s’échafaude toujours avec l’aide de centaines de bénévoles dont les plus
anciens nous décrivent, entre amitiés et affections, toute une fresque de
solidarité. Cette fête citoyenne continue à interpeller car nombreux sont ceux
qui viennent y dire que nous faisons monde ici au Grand Duché et que le
Luxembourg est une part de notre vie. Cette nouvelle géographie que nous construisons
les uns avec les autres croise de multiples cultures et fait chœur dans les
halls du Kirchberg pour nous donner à lire un nouveau monde. Mais, ne
faudrait-il pas parler de mondes nouveaux ? De nouvelles découvertes se font
jour dans les venelles du Festival. Ces constellations d’associations qui
s’appuient sur des héritages anciens, disent de nouvelles solidarités, des
échanges à renouveler, une autre manière d’appartenir à cette terre pour faire
identité avec les nombreuses références qui nous construisent. Des associations
se créent et se joignent à nous d’une année sur l’autre pour dire de nouvelles
préoccupations, de nouveaux engagements, une nouvelle manière d’être au
Luxembourg qui ne s’accommode plus des appartenances étroites hérités des siècles
précédents. Monde de la contestation qui refuse que soient brisées les
anciennes solidarités, espaces de la convivialité où la parole est amicale aux
autres et où les cultures sont offertes en partage.
Depuis
bientôt trente années, le Festival, accompagné de nombreuses dynamiques
associatives venues de tout le pays, des régions voisines, des pays de départ,
donne à entendre, à regarder et à comprendre le Luxembourg qui fait
monde. À qui sait y voir, notre-votre festival est un instantané de notre
société et les visiteurs profanes ne s’y trompent pas en découvrant une
humanité au Luxembourg qu’il n’imaginait pas. Avec des pas d’échassier, de
multiples expressions culturelles et de nombreuses questions sociales arpentent
le Grand-duché toute l’année. Elles se retrouvent, se croisent et se meuvent
dans les allées de la manifestation, sur la scène, dans les stands, dans les
cuisines et les expositions, dans les rencontres littéraires, aux comptoirs et
aux débats du festival.
Le Festival ne milite pas pour un vivre-ensemble : nous vivons depuis toujours ensemble. Nous préférons faire ensemble. Le Festival n’est pas un acteur pour l’intégration: integrare - rendre entier avec le mouvement de participation des citoyens est d’abord affaire de droits égaux pour tous. Nous militons pour une égalité citoyenne pour tous les résidents. Le Festival ne souhaite pas discriminer entre des non-identités — non-Luxembourgeois, migrants, frontaliers, … — mais plutôt s’engager pour faire société ensemble. Le Festival ne veut pas désigner des « communautés », pour ne pas assigner des identités complexes en perpétuel mouvement, pour ne pas particulariser les appartenances nationales ou les références culturelles. Le Festival est le lieu d’un idéal citoyen qui ne s’adresse pas à des groupes spécifiques, mais aux expressions associatives et à chacun, là où il se trouve, sur ce sol où il vit, d’où qu’il vienne, pour être et devenir.
Malheureusement,
l’avenir du Festival n'est pas à l’abri de difficultés financières. Il est sans
doute victime de son succès, mais aussi de coûts économiques difficiles à
supporter (il n'a jamais été conçu comme un 'business') et nous refusons de faire assumer ses coûts au monde
associatif. Le Festival est également victime d'un manque d'intérêt des
autorités culturelles qui, de nouveau, semblent privilégier le financement
d'autres activités qui sont loin de rencontrer le succès populaire de ce
festival.
Nous
souhaiterions que les activités du Festival puissent être jumelées tout au long
des jours qui le précèdent, avec d’autres activités culturelles (cinéma,
théâtre, expositions, concerts, sport). Cela permettrait d’élargir ses
possibilités et son impact sur la population de nationalité luxembourgeoise qui
pourrait ainsi découvrir d’autres traits des communautés qu’elle côtoie tous
les jours, différents de ceux purement folkloriques et gastronomiques.
L’introduction ces dernières années de nouvelles manifestations parallèles,
comme le Salon du Livre et des Cultures,
depuis 2001, témoigne d’une volonté d’aller plus loin dans cette politique
d’approche interculturelle.
Depuis
sa création, on peut trouver dans le Salon
du Livre et des Cultures du Luxembourg des livres dans les langues de la
grande majorité des cultures présentes au Grand-duché. Les écrivains que nous
continuons à inviter sont toujours proposés par les associations partenaires du
Clae: ils sont originaires de plusieurs pays, le Luxembourg y compris. En 10
ans, de nouvelles associations se sont ajoutées, ainsi que des libraires, des
éditeurs, des revues, plus nombreux d'une année sur l'autre. Ils nous aident à
développer la diversité, la qualité et la renommée du salon qui, toutes
proportions gardées, est sans doute une des initiatives les plus originales en
Europe. L'évolution se manifeste également par le nombre accru des espaces
culturels présents, des rencontres interculturelles, par l'interprétation
simultanée vers le français, d'abord à partir de trois et actuellement à partir
de sept langues.
Depuis
la 9e édition, se réalisent des activités «décentralisées», notamment grâce à
la collaboration de la Kulturfabrik et du Centre National de Littérature et
entre 2008 et 2010 le Clae a reçu un financement du Fonds européen
d'intégration des ressortissants des pays tiers (FEI) et de l'Office
luxembourgeois d'intégration et accueil (OLAI), pour favoriser la participation
des cultures et des littératures issues des pays tiers. Malheureusement ce financement n'a pas
été renouvelé en 2011.
Des
efforts restent à faire de la part des autorités culturelles du pays pour
comprendre la place culturelle de choix que le Festival et notamment son Salon
du Livre et des Cultures du Luxembourg ont dans notre société. La question
culturelle au Luxembourg ne peut pas se limiter à la construction de grandes infrastructures.
Elle doit tenir compte de tous les promoteurs culturels qui par leur travail et
leur engagement, contribuent à créer du lien social et à promouvoir des
activités comme le Festival des Migrations, le Salon du Livre et bien d’autres
tout au long de l’année.
Le
Clae considère aussi que des événements à grande portée nationale et à forte
composante interculturelle comme le sont depuis 2000 le Festival Latino et la
Fête de la Musique ainsi que l’encouragement des fêtes des CCE ou d’autres
associations locales ou de quartier capables de remplir un vrai rôle culturel
et pas simplement gastronomique ou autre, devrait aussi être fortement soutenus
par les autorités.
C'est pour cela que le Clae
demande que :
·
Les
conventions entre le Ministère de la Famille et la Ville de Luxembourg avec le
Clae pour le financement du Festival doivent tenir compte du rôle culturel
majeur des deux événements, le Festival des Migrations et le Salon du Livre, et
adapter son soutien de manière conséquente. Il ne doit pas y avoir le sentiment
que n'importe quelle manifestation culturelle mineur reçoive
proportionnellement un financement beaucoup plus important que celui que reçoit
la seule manifestation à accueillir plus de 30.000 personnes sur un week-end.
·
Le Salon du Livre et des Cultures du Luxembourg
doit être reconnu comme manifestation culturelle de première importance au
Luxembourg. Hormis, dans des proportions plus modestes, le Salon du Livre
Luxembourgeois ou les Walfer Bicherdeeg,
il n'y a aucune manifestation comparable dans le pays et sa place doit être
reconnue. Une Convention avec le Ministère de la Culture doit être rapidement
créée.
2 BaleineBis, une enquête sur
un marché linguistique en profonde mutation
, Fernand Fehlen
3 Le Kulturpass est délivré gratuitement aux personnes qui entrent dans les critères d’attribution de l’allocation de vie chère ainsi qu’aux demandeurs de protection internationale. Il permet l’accès gratuit aux musées et à un 1,5 euros aux manifestations des infrastructures culturelles partenaires du projet. Plus d’informations : www.culturall.lu
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