Congrès du CLAE 12 et 13 novembre 2011 (5)


Conditions de vie des personnes issues de l’immigration : accueil, logement, santé
Document N°5 - CLAE

1. Une politique d’accueil et d’intégration progressive s’avère nécessaire 
2. Contre la pénurie du logement !
3. Le vieillissement de la population issue de l’immigration
4. Le droit à une santé pour tous 


1. Une politique d’accueil et d’intégration progressive s’avère nécessaire

La Loi du 16 décembre 2008 concernant l’accueil et l’intégration des étrangers au Grand-duché de Luxembourg précise que l’intégration est une mission que l’Etat, les communes et la société civile accomplissent en commun. Conformément à cette idée, un plan d’action national d’intégration et de lutte contre les discriminations a été établi cherchant à mobiliser l’ensemble des acteurs intervenant dans le processus d’intégration des étrangers au Grand-Duché de Luxembourg. Le Plan d’action national d’intégration et de lutte contre les discriminations 2010-2014 constitue l'instrument de coordination stratégique et opérationnelle de politiques d'intégration transversales. Echelonné sur cinq ans, le Plan d’action repose sur les principes directeurs de la politique d’intégration européenne mettant en évidence l’importance d’une approche globale de l’intégration.
L’une des mesures « phare » dans la Loi du 16 décembre 2008 concernant l’accueil et l’intégration des étrangers au Grand-Duché de Luxembourg est le Contrat d’Accueil et d’Intégration (CAI). L’Office Luxembourgeois d’Accueil et d’Intégration (Olai) offre désormais à toute personne de nationalité étrangère séjournant légalement au Grand-Duché de Luxembourg et souhaitant s’y maintenir de manière durable la possibilité de signer un contrat d’accueil et d’intégration. Les signataires du contrat doivent être de nationalité étrangère, résider légalement sur le territoire du Grand-Duché et souhaiter s’y maintenir de manière durable. Le contrat est fixé pour une durée de 2 ans, pendant lesquels le signataire s’engage à suivre une formation linguistique en luxembourgeois, allemand ou français, à participer à des cours d'instruction civique et à être présent lors d’une journée d’orientation. Les cours de langues sont proposés à un tarif réduit de 5 euro.
Le Clae entend que le CAI soit perçu par la majorité de la population comme la nécessité légitime d’intégrer les étrangers nouvellement arrivés en Europe. Malheureusement le contrat d’accueil et d’intégration est apparu dans différents pays européens, notamment en France et en Allemagne, au moment même où le concept d’immigration choisie gagnait du terrain. Ce synchronisme n’est pas le fruit du hasard : d’un dispositif visant à première vue à assurer l’acquisition de connaissances linguistiques et une formation civique, on est passé dans ces pays à un outil utilisé principalement par les défenseurs de l’immigration choisie pour opérer un tri entre immigrés désirables et indésirables. L’exclusion a définitivement pris le pas de l’inclusion. On aurait souhaité au Luxembourg renverser les contradictions des politiques européennes d’immigration actuelles en faisant de l’intégration le résultat d’une politique de droits et non une condition préalable au séjour. Nous croyons dans ce sens que l’Union européenne devrait reconnaître publiquement et officiellement la finalité du contrat d’accueil et d’intégration qui risque de renforcer les buts affichés par les défenseurs de l’immigration choisie en opérant un tri entre travailleurs à faibles qualifications et travailleurs hautement qualifiés.

Les limites de la nouvelle loi relative à l’intégration ainsi que les mesures à adopter dans le cadre du Plan d’action national d’intégration et de lutte contre les discriminations 2010-2014 ou futurs Plans, nous permettent de proposer :

  • que l’Olai puisse offrir sur le plan national et communal, à travers un renforcement adapté de ses structures et de ses moyens, un accueil satisfaisant des nouveaux venus ;
  • au vu des compétences que la loi prévoit de donner à cet organe, il nous semblerait également utile que l’Olai puisse disposer d’antennes sur le territoire, par le biais de convention avec les communes ou d’autres organismes, lui permettant la proximité nécessaire pour mener à bien ses missions ;
  • de renverser les contradictions des politiques d’immigration actuelles en faisant de l’intégration le résultat d’une politique de droits et non plus une condition préalable au séjour ;
  • de veiller à ce que le contrat d’accueil et d’intégration ne renforce les buts affichés par les promoteurs de l’immigration choisie ;
  • d’élaborer une offre de formation linguistique et professionnelle la plus incitative possible à travers le contrat d’accueil et d’intégration ;
  • de ne pas subordonner le renouvellement des titres de séjour à la signature du contrat d’accueil et d’intégration ;
  • d’exempter toutefois les signataires du contrat d’accueil et d’intégration de la preuve d’intégration dans le cadre de la demande du statut de longue durée.



2. Contre la pénurie du logement !

Les propositions avancées lors du 6e Congrès restent malheureusement d’actualité ; en effet, le manque de logements sociaux locatifs et de logements en général continue à se faire ressentir. La pénurie de logements touche fortement les personnes d’origine étrangère mais aussi l’ensemble de la population luxembourgeoise qui souffre de cette situation de manière générale.

Le marché de l’immobilier a été marqué par d’importantes fluctuations entre 2007 et 2010. Il a été d’abord touché par la crise économique dont l’épicentre se situe en 2008 avant une lente reprise de la croissance à la fin de l’année 2009 et au début de 2010. Des modifications réglementaires ont également pu perturber le marché de l’immobilier grand-ducal.1 On assiste aujourd’hui à une normalisation de l’activité et à un retour des acheteurs, dans un contexte d’accès au crédit moins contraignant et de taux d’intérêts hypothécaires historiquement bas. Les récentes publications de l’Observatoire de l’Habitat en matière d’évolution des loyers et des prix de vente confirment toutefois le risque de l’apparition d’une nouvelle augmentation des prix des logements.

À travers ce contexte, le marché du logement au Grand-Duché de Luxembourg tient du paradoxe. L’Etat accorde des sommes considérables aux personnes qui souhaitent accéder à la propriété d’un logement, c’est-à-dire 53,6 millions d’euro (= 0,5% des dépenses de l’Etat en 2011), alors que l’accès reste souvent très difficile particulièrement dans la capitale. Les ménages à très faibles revenus qui n’ont accès au parc public de logements locatifs sont parfois confrontés à la précarité des mal-logés. Les classes moyennes éprouvent également des difficultés à devenir propriétaire.
Les premiers signes de ségrégation, découlant d’une fracture sociale de plus en plus prononcée, deviennent en conséquence visibles. Comme le reconnaît le Rapport 2010 du Fonds de Logement,2 l’offre reste insuffisante, eu égard à d’une population croissante. La pression du côté de la demande est aussi accentuée par des changements dans les structures socio-économiques des ménages (progression des ménages monoparentaux, augmentation rapide du nombre des personnes vivant seules, vieillissement de la population). Le déséquilibre entre l’offre et la demande est soutenu par un nombre important de logements vides ou vacants et de nombreux changements d’affectation du parc existant (transformation de logements en locaux à usage professionnel).

Pour répondre à cette problématique cruciale, le Conseil de Gouvernement a arrêté les grandes lignes du Paquet logement, dont les composantes sont (1) l’élaboration d’un nouveau projet de loi sur les aides au logement, (2) la présentation de nouvelles mesures, (3) la finalisation du plan sectoriel logement et (4) le monitoring du pacte logement.

La Loi du 22 octobre 2008 portant sur la promotion de l’habitat et création d’un pacte logement avec les communes prévoit notamment de favoriser une augmentation de l’offre de logements et autorise l’Etat à participer au financement des frais des communes liés à la création de nouveaux logements et des équipements collectifs induits par l’accroissement de la population. Jusque fin 2010, 103 communes ont signé la convention relative au « Pacte Logement ». Par leur signature, ces communes se sont formellement engagées à faire réaliser sur leur territoire endéans les 10 ans quelque 48.000 logements, en vue de rendre possible une augmentation d’au moins 15% des habitants de leurs communes. Si les communes ne répondent pas aux conditions fixées dans la loi, elles doivent restituer totalement ou partiellement la contribution financière de l’Etat. Nous soulignons l’intérêt de réaliser un suivi de l’évolution de l’offre de logements achevés au sein des dites communes, un suivi de la croissance de la population et des infrastructures publiques réalisées. Un tel monitoring du Pacte Logement viserait ainsi à mesurer l’impact des dispositions de la loi de 2008, principalement en matière d’offre de logements et d’infrastructures publiques.

Il appartient également à l’Etat d’augmenter l’offre de logements dans les plus brefs délais possibles, surtout à la vue des récentes données publiées par le Statec en matière d’autorisations de bâtir qui sont alarmantes. Après deux années de recul du nombre de logements autorisés, la progression reste faible en 2010 pour s’établir à 3.891 unités de logement. Le nombre des logements autorisés sur le territoire de la capitale a même reculé de 21,8% ! Si l’on tient compte du fait que seulement une partie des logements autorisés sont effectivement construits, et en considérant le fait que ces logements n’apparaissent sur le marché qu’après environ 2 années, le déséquilibre sur le marché va certainement s’aggraver dans un avenir proche, ceci à défaut d’actions conséquentes de la part des autorités publiques.

À travers l’évolution récente du marché du logement luxembourgeois, qu’en est-il des différences dans les projets résidentiels entre Luxembourgeois et résidents de nationalité étrangère ?

Globalement, parmi les ménages suivis dans l’enquête EU-SILC/PSELL-3 conduite par le Ceps-Instead sur l'exclusion sociale liée au logement, les résidents luxembourgeois comme de nationalité étrangère ont eu, malgré le contexte, des comportements cohérents par rapport à leurs aspirations, c’est-à-dire vers l’accession à la propriété. L’accès à différents segments du marché immobilier au Luxembourg (dont la maison en propriété) semble être relativement égalitaire pour les ménages, tant d’origine luxembourgeoise qu’étrangère, comme le suggèrent les parts relativement similaires des projets de déménagement entre 2003 et 2009. Cela dit, l’installation temporaire de certains étrangers, la durée de résidence exigée par les politiques d’aide en logement, mais également les différences culturelles, sont en mesure de limiter la volonté d’acheter une maison pour les résidents étrangers, au profit de l’achat d’un appartement impliquant moins de contraintes et d’investissements ou même de la location allouant encore plus de flexibilité. Selon cette étude, et plus particulièrement sur le profil sociodémographique du panel observé, on trouve, selon la nationalité, une surreprésentation des ressortissants de nationalité d’un pays tiers à l’Union Européenne. L'étude met également en lumière le lien entre le niveau de formation et l'exclusion liée au logement.3

Quelles sont les mesures de l’Etat face à ces inégalités d’accès ?

Il convient tout d’abord de mentionner le lancement d'une enquête nationale sur le sentiment de discrimination dans l'accès au logement par l’Olai et le Ministère de la Famille et de l'Intégration. Un questionnaire comportant 45 questions a été envoyé à 18 000 personnes par courrier en novembre 2008. Nous n'avons cependant obtenu à ce jour aucune information concernant les résultats de cette enquête. Parmi les plaintes dont a été saisi le Centre pour l’égalité de traitement, trois concernaient le logement. Il n'est pas possible, faute d'information, de savoir si parmi les plaintes enregistrées par la police, certaines concernaient le domaine du logement.

Le règlement grand-ducal du 6 avril 2009 introduit un système plus flexible pour l'attribution de logements sociaux locatifs. S'il est vrai que ce nouveau mode permet de mieux tenir compte de la complexité des situations des différents demandeurs, il est tout aussi vrai que l'absence d'un ordre de priorité contraignant dans le classement des demandes pose des problèmes en matière de transparence, comme l'a relevé l’Ombudsman dans ses deux derniers rapports d'activité. Tenant compte en outre de l'aggravation de la pénurie de logements sociaux locatifs, la question de l'attribution de ces logements devient encore plus cruciale pour les concernés. En effet, il ressort du rapport 2009 du Fonds du Logement que le nombre de demandes en vue de l'obtention d'un logement locatif subventionné auprès du Fonds a augmenté de 33% par rapport à l'année précédente, pour atteindre un total de 1358 demandes en date du 28 février 2010. Ainsi, le nombre de demandes s'est rapproché du nombre total d'unités de logement du Fonds, qui était de 1647 au 31 décembre 2009.4 
La réglementation actuelle sur l'attribution de logements sociaux locatifs ne prévoit ni une liste exhaustive des critères à prendre en compte, ni un ordre de priorité des critères d'attribution. Il a été décidé de laisser au promoteur public, à savoir les communes, la Société Nationale des habitations à bon marché et le Fonds pour le Développement du Logement et de l'Habitat, le soin de pondérer les critères selon le cas et d'aborder chaque dossier en considération de toutes les particularités présentes en l'espèce. En réponse à une question parlementaire, le Ministre du Logement a pourtant indiqué qu'un catalogue de critères spécifiques pour l'attribution de logements locatifs était en cours de réalisation reflétant l'esprit de l'ensemble des objectifs prévus par la législation concernant l'aide au logement et tels qu'ils sont constamment appliqués par l'un ou l'autre promoteur public.
Des « crédits-taudis » sont par ailleurs accordés à des personnes ayant de plus en plus de difficultés à se loger. Cette mesure est une garantie par laquelle l'Etat facilite l'accession à la propriété pour les familles nombreuses qui ne peuvent fournir de garanties propres suffisantes pour obtenir le crédit hypothécaire nécessaire à l'acquisition d'un logement. En 2009, 18 demandes de garanties « crédits-taudis » ont connu une suite favorable. Une convention signée entre le Ministère de la famille et de l’Intégration, le Ministère du logement et la Fondation pour l’accès au logement a permis également la création d’une Agence immobilière sociale (AIS) dont la principale mission est de rechercher et de mettre à disposition des logements à des personnes à revenus modestes. Le Fonds pour le Développement du Logement et de l'Habitat permet d’autre part à des associations d'héberger des personnes ayant besoin d’être accompagnée tant socialement que psychologiquement ; 91 logements sont répartis entre différentes associations. Il faut également signaler que le Fonds dispose de logis ou logements communautaires, intégrés dans des foyers et réservés à l'hébergement de réfugiés politiques et de travailleurs immigrés. Au 31 décembre 2008, le nombre de ces logis s'élevait à 53. Ils sont occupés exclusivement par des réfugiés politiques. Le Fonds réalise des projets pour le compte de l'Etat, comme des foyers pour réfugiés politiques et/ou travailleurs immigrés.

Nous ne pouvons malgré ces mesures que vivement regretter l’insuffisance de la capacité d’accueil des demandeurs de protection internationale. Les capacités des structures d’hébergements publics et privés sont régulièrement épuisées contraignant l’Etat à utiliser des structures d’urgence inadaptées et le plus souvent inhumaines. L’augmentation du nombre de demandeurs de protection internationale depuis le début de l’année et l’incapacité des autorités à réagir à cette situation prouve que ce problème persiste de manière durable.

En face de cette situation, le Clae propose :

  • qu’une déclaration politique du Gouvernement ou de la Chambre des députés souligne l’accession à la propriété comme un moyen privilégié pour garantir la justice sociale ; la politique du logement se doit de poursuivre l’effort pour l’acquisition d’un logement en propriété, à travers un maintien et un renforcement des moyens et des instruments existants ;
  • que cette politique se traduise par l’inscription du droit au logement dans la Constitution luxembourgeoise ;
  • de lutter contre la spéculation foncière ; Les prix actuels des terrains à bâtir et des logements sont inaccessibles au plus grand nombre ;
  • que le bail emphytéotique et le droit de superficie puissent constituer deux instruments efficaces pour réduire considérablement le coût du logement, étant donné que le coût du foncier est dans ce cas neutralisé ;
  • une meilleure mixité et un meilleur accès au logement social avec notamment des sanctions plus fortes pour les communes et services publics ne respectant pas les textes de lois ;
  • un engagement plus fort de l’Etat et des collectivités territoriales pour construire davantage de logements à caractère social et favoriser l’accession de tous à la propriété en adhérant au Pacte pour le Logement ou en promouvant des initiatives spécifiques ;
  • de construire des logements locatifs non seulement à l’initiative du Fonds du logement mais également à l’initiative des communes (les commissions consultatives d’intégration pourraient se saisir de ce problème et agir au niveau communal) ;
  • qu’à l’instar des réflexions relatives à la garantie de la mixité sociale dans le secteur du locatif, les promoteurs de projets d’envergure soient invités à vendre 40% des logements à des non-bénéficiaires d’une aide individuelle au logement ;
  • que la gouvernance du Fonds du Logement soit plus transparente. Elle pourrait notamment permettre la participation de représentants du Clae et d’autres organisations de défense des droits des étrangers dans la commission d’attribution de logements sociaux ;
  • d’appliquer, au niveau communal, la loi permettant de déclarer la pénurie de logements et de réquisitionner les logements vides ;
  • d’améliorer les conditions d’accès au logement aux familles, aux familles monoparentales et aux jeunes vivant seuls ;
  • d’introduire une allocation loyer aux locataires à revenus modestes ;
  • de prévoir des logements d’accueil d’urgence pour des familles se trouvant subitement sans logement, et interdire, par voie légale, l’expulsion d’un logement pendant la période hivernale ;
  • de construire de nouveaux foyers pour travailleurs seuls et poursuivre la rénovation des foyers existants. Le Clae invite le Ministère de la Famille et de l’Intégration à la construction de foyers pour femmes qui sont actuellement inexistants ;
  • d’organiser des conventions avec les propriétaires du secteur privé (hôtels, auberges, cafés, etc.) pour l’hébergement des travailleurs, dans le but de combattre « les marchands de sommeil », qui entassent les travailleurs par dizaines dans des chambres malsaines tout en demandant des loyers exorbitants ;
  • que les demandeurs de protection internationale puissent bénéficier d’un logement adapté aux besoins de leur famille, qu’ils ne soient pas obligés de vivre dans la rue, ni hébergés dans des campings ou dans des habitations quasiment insalubres ;
  • de prévoir des logements décentralisés pour le premier accueil des demandeurs de protection internationale ; de leur accorder le droit de choisir librement leur logement en accordant une allocation de logement ;
  • que la condition de logement ne soit plus un obstacle dans le cadre d’une demande de regroupement familial pour un ressortissant d’un pays tiers à l’Union européenne ;
  • d’assouplir les conditions pour bénéficier d’une aide de l’Etat pour l’accès à la propriété (familles, jeunes et personnes seules, revenus modestes) ; le Clae propose que l’Etat prévoie des intérêts à taux 0%.
  • de maintenir l’exemption du paiement des droits d’enregistrement lors de l’achat d’une habitation et des primes pour les familles qui ont des enfants à charge ;
  • d’abolir ce qui pourrait ressembler à une formalité administrative, mais qui est en réalité une discrimination déguisée, à savoir, exiger de la part des étrangers la preuve qu’ils ne sont pas propriétaires d’un bien immobilier dans leur pays d’origine.
  • D’étendre aux travailleurs frontaliers les mesures d’accès à la propriété offertes actuellement aux résidents uniquement, ce qui semble, incompatible avec le droit communautaire.




3. Le vieillissement de la population issue de l’immigration

Le vieillissement de la population constitue un vrai défi pour les pays européens. Ce défi est accentué par l’arrivée des générations du baby-boom à l’âge de la retraite, ce qui entraîne des répercussions inévitables sur le marché du travail, dont un risque de pénurie de main-d'œuvre sur le long, voire moyen terme. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, l’Union européenne a fait du vieillissement actif le cheval de bataille de sa stratégie pour l’emploi.

Au Luxembourg, le problème du vieillissement de la main-d'œuvre se pose à moyen terme avec une moindre importance que dans les autres pays européens du fait de la composition atypique de sa population active. Pourtant, cette situation pourrait se détériorer dans les prochaines décennies.5 La poursuite d’un taux de fécondité en dessous du renouvellement des générations, conjuguée à l’allongement de la durée de vie, pourrait se traduire par une forte augmentation du taux de dépendance. Dans un scénario de poursuite de la dynamique démographique basée sur un solde migratoire important, le nombre de personnes de plus de 65 ans atteindrait en 2050 40 % du nombre de celles de 20 à 64 ans, comparé à un peu moins d’un quart en 2000. La population résidant au Luxembourg augmenterait substantiellement, passant de 439.000 personnes en 2000 à 663.000 en 2050. Le nombre d’étrangers deviendrait plus élevé que le nombre de Luxembourgeois autour de 2020. En envisageant un scénario démographique moins favorable avec un recul progressif des entrées nettes de personnes étrangères suite à une moindre attractivité du Luxembourg, la population résidente, y compris la population étrangère, stagnerait. En conséquence, le nombre de personnes de plus de 65 ans atteindrait en 2050 52 % du nombre de celles de 20 à 64 ans, ce qui situerait le Luxembourg au-dessus de la moyenne des pays de l’Ocde.

Le scénario démographique favorable repose sur l’hypothèse que le Luxembourg continuera d’attirer davantage de travailleurs étrangers. Or, il s’agit là d’un pari risqué. Dans tous les cas, il est fort probable qu’il faudra réaliser un transfert important de revenus des futures générations d’actifs vers les retraités pour faire face au coût additionnel des retraites. Actuellement, l’apport des cotisations des salariés frontaliers alimente des surplus de trésorerie mais la viabilité du système de pension n’est pas garantie à long terme. Cette expansion de l’emploi frontalier retarde la maturation du système de retraite, en engendrant un large excédent de trésorerie, mais en impliquant aussi des engagements différés de plus en plus lourds.

Au Luxembourg, le nombre des personnes âgées de 65 ans et plus est toutefois passé de 49.625 en 1980 à 70.046 en 2010, soit une augmentation de quelque 41% en 30 ans.6 Le nombre des 75 ans et plus a  même pratiquement doublé. En termes absolus, l'évolution est encore plus saisissante: le nombre des 65 ans et plus passerait de quelque 70.000 aujourd’hui à 197.000 en 2060, r un total de 774.000 habitants. L'impact sur les politiques notamment en matière de pensions et de santé publique est indiscutable.

C'est un fait qu’une grande partie de la population âgée issue de l’immigration a peu à peu remplacé son projet de retour au pays par une retraite au Luxembourg. Cela s’explique par la présence d’enfants et de petits enfants, mais aussi par le fait que les facilités et infrastructures de protection sociale au Luxembourg soient plus développées ou performantes que dans certains des pays d'origine.
Cette situation a incité le Clae, comme l'ont d’ailleurs fait d'autres associations, à entamer une réflexion sur les besoins de ces personnes âgées d'origine étrangère. Notre approche se base dans une inclusion harmonieuse de ces personnes dans les politiques et les structures existantes au Luxembourg et, dans aucun cas, par la revendication de maisons de retraite ou d'autres structures « séparées » par nationalité d'origine. Il y a néanmoins lieu de se demander si les immigrés des années 50 et 60 pourront accéder aux structures existantes alors que le manque d’information, les problèmes linguistiques et culturels, ainsi que le coût risquent de devenir des barrières lourdes à surmonter.
Le Ministère de la Famille et de l'Intégration a aussi été sensible à ce type de problématique et encourage ainsi depuis 2009 une sensibilisation des résidents âgés d’origine étrangère sur les offres de services. Des activités sont mises en place au sein des Clubs Senior.
Au Luxembourg, les personnes âgées d’origine étrangère sont quasiment absentes des Clubs Seniors. Cette situation découle d’un manque d’information mais aussi de la barrière de la langue. En Suisse, cette démarche a conduit à la mise en place de la plateforme « Seniors d'ici et d'ailleurs » par l'association Pro Senectute, la Croix-Rouge et la Ville de Genève qui constitue un exemple de bonnes pratiques. Le Café des Âges organisé au Luxembourg par la Maison des Associations est aussi un autre exemple de bonnes pratiques. 

Le rôle d’accueil incomberait à certaines associations comme le Patronato Inca-Cgli Lussemburgo pour les Italiens ou la Fédération des associations portugaises (Fapl) pour les Portugais. Il ne serait pas nécessaire de créer de nouvelles structures mais seulement appuyer financièrement ces associations pour qu’elles puissent effectivement être en mesure d’apporter un soutien à ces personnes.
Le Clae a également intégré le Conseil Supérieur des Personnes Âgées. Cet organe consultatif est chargé d’étudier, soit de sa propre initiative, soit à la demande du Gouvernement, l’ensemble des problèmes se rapportant aux personnes âgées.
Un groupe de réflexion réunissant des acteurs engagés dans les domaines de l’immigration et du 3e âge est coordonné par une plate forme regroupant l'OLAI et certaines associations. Le groupe cherche à analyser les particularités liées à la situation des personnes âgées d’origine étrangère et à réfléchir sur les offres complémentaires éventuelles à prévoir au niveau des services pour personnes âgées.
Le Clae propose:
  • de créer un groupe de réflexion avec la participation des organes compétents (Ministère de la Famille et de l’Intégration et Olai), les associations issues de l’immigration, le Conseil Supérieur des Personnes Âgées avec éventuellement l’aide des structures consulaires des pays concernés afin d'examiner en détail la situation, sous la forme des Assises Migration & Vieillissement, et formuler des propositions ;
  • de conventionner ou subsidier des associations issues de l’immigration afin qu’elles puissent réaliser un accompagnement des personnes âgées et promouvoir leur inscription dans les structures luxembourgeoises existantes ;
  • de lancer une campagne de sensibilisation auprès des Clubs Senior et des communes sur l’inscription des seniors d’origine étrangère dans les structures d'accueil en promouvant la diversité culturelle et la capacité d'accueil interculturelle de leur personnel ;
  • d’augmenter l'offre d'appartements et nouveaux centres de gériatrie pour personnes âgées ;
  • d’améliorer la représentation des résidents de nationalité étrangère dans le Conseil Supérieur des Personnes Âgées.


4. Le droit à une santé pour tous

L’étude de l'Ocde Panorama de la Santé brosse un tableau nuancé des soins de santé qui sont prodigués au Luxembourg. Certains domaines y apparaissent comme étant surdéveloppés et de très haute qualité. D’autres, par contre, y apparaissent comme étant sous-développés. Parmi les atouts du système de santé figure l’importante couverture de l’assurance maladie (98%), le mode de financement par des moyens publics et l’accessibilité aux soins. L’étude révèle que des efforts doivent, en revanche, être déployés pour réduire les coûts du système de santé, pour améliorer le secteur ambulatoire, la coordination entre ces deux secteurs, la transparence de l’architecture hospitalière ainsi qu’un meilleur fonctionnement des urgences.

Néanmoins, les problèmes auxquels sont confrontés les personnes issues de l’immigration ne diffèrent pas de ceux auxquels sont confrontés tous les résidents. Le Clae soutient les efforts comme la « Patiente Vertriedung » dans ses démarches en faveur de la promotion des droits des patients qui visent à mieux faire connaître aux personnes prises en charge leurs droits et obligations.

Certaines problématiques demeurent cependant spécifiques au contexte de l’immigration et notamment la prise en charge des personnes en situation irrégulière. Cette prise en charge est une préoccupation que le Clae porte depuis des années. Le Luxembourg, qui a approuvé par la loi du 17 septembre 1991 la Charte sociale européenne signée à Turin en 1962, ne semble pas respecter ses engagements. La clandestinité est une situation difficile susceptible d’entraîner de nombreux problèmes psychologiques et médicaux. L’insécurité est telle que la résistance au stress est affaiblie et les raisons de consulter sont inversement proportionnelles à la possibilité d’être assuré !

Le CLAE plaide en faveur d’une couverture sociale universelle dont les conditions resteraient à discuter: une résidence de 3 mois par exemple à prouver, la preuve de son identité, le paiement des cotisations dont le montant devrait être précisé, etc.

Notons qu'un Guide d’accès aux soins médicaux pour demandeurs de protection internationale, déboutés du droit d’asile et personnes en situation irrégulière au Luxembourg7 a été rédigé par le groupe de travail « Santé des Migrants » (Asti, Caritas, Clae, Croix-Rouge sous l’impulsion de MSF) en collaboration avec le Ministère des Affaires Etrangères et de l’Immigration, le Ministère de la Famille et de l’Intégration et le Ministère de la Santé.

Finalement, nous regrettons profondément les refus presque systématiques du Ministère de la Famille et de l’Intégration et du Ministère de la Santé, à une prise en considération des besoins d'assistance psychologique et psychiatrique pour les demandeurs de protection internationale et pour les immigrés en général. Le fait de devoir quitter son pays, en laissant parfois sa famille et ses enfants, n’est jamais une décision facile. Le départ, bien qu’il ne soit jamais abordé dans les discours européens ou nationaux, est un aspect incontournable dans le processus d’installation. Bien que le Fonds européen des réfugiés soit en mesure de soutenir les projets fournissant des réponses à des situations de détresse ou de fragilité psychologique, toutes les demandes dans ce sens ont été refusées. Et cela, malgré que des associations de professionnels de la santé psychologique (Mosaïque asbl et autres) soient activement engagées dans le soutien à de tels projets.


Le Ministère de la Famille et de l’Intégration et du Ministère de la Santé devraient soutenir dans les appels à proposition de 2012 et de 2013 du FEI (Fonds européen pour l'intégration) et du FER (Fonds européen des réfugiés) des actions visant la création de réseaux de soutien et assistance psychologique aux demandeurs de protection internationale, et notamment les enfants, qui en éprouve le besoin.


1 Note 15, Octobre 2010, Observatoire de l'Habitat, http://observatoire.ceps.lu/pdfs/Note15_A4.pdf

2 http://www.ml.public.lu/pictures/fichiers/Rapport_ML_2010.pdf

3 Rapport Alternatif d'Enar, Anita Petersheim, http://cms.horus.be/files/99935/MediaArchive/Luxembourg.pdf

4 Question parlementaire de Claudia Dall’Agnol (LSAP) sur http://www.guichet.public.lu/fr/citoyens/actualites/2010/1/29-attribution-logements-locatifs/question-parlementaire-taxes-communales.pdf
5 http://www.gouvernement.lu/salle_presse/actualite/2004/01/28biltgen/28ocde.doc

6 Regards 9/2011, STATEC (Institut national de la statistique et des études économiques du Luxembourg), 

http://www.statistiques.public.lu/catalogue-publications/regards/2011/PDF-9-2011.pdf
7 http://www.msf.lu/fileadmin/WEBLibrary/4_Donner/guide_msf.pdf


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