Discours d’ouverture du 28e Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté


 Photo de Fotini Caparelou
Madame La Ministre,  Excellences, Monsieur l’Échevin, Mesdames, Messieurs,

Au nom du Comité de liaison des associations d’étrangers, je déclare ouvert la 28e édition du Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté. Cette citoyenneté qui sera d’autant plus au cœur de ce Festival que les élections communales se dérouleront dans quelques mois.
Dernièrement, la Chambre des députés a franchi un pas supplémentaire afin de réduire le déficit démocratique en donnant la possibilité aux citoyens non-communautaires de devenir candidats aux élections communales, et à tous les élus, indépendamment de leur nationalité, de devenir bourgmestre ou échevin.
C’est à nous maintenant, de répondre à ce geste en nous inscrivant sur les listes électorales, jusqu’au 14 juillet. Ces élections sont primordiales, la commune définissant directement notre cadre de vie. Nous devons nous saisir de ce droit, car une participation active fait que les lois sont nôtres et que nous maîtrisons notre destin en commun.
Cette maîtrise de notre destin commun ne pourra s’accomplir sans plus d’égalité entre tous les résidents. C’est pourquoi le CLAE demande maintenant au Gouvernement de réfléchir à une nouvelle réforme de la loi électorale, qui baisserait les délais de résidence et instaurerait l’inscription d’office de tous les citoyens du Luxembourg. Nous regrettons par ailleurs que la Ville de Luxembourg n’ait pas souhaité réitérer l’expérience de 2004 en ouvrant leurs inscriptions directement ici, au Festival.
Nous devons faire société ensemble dans un monde de plus en plus individualisé et une société de plus en plus plurielle. Le lien social doit être retissé pour que chacun soit acteur de notre vie commune. Le monde politique et la société civile doivent réfléchir à la manière d’inscrire chacun et chacune dans cette société qui se recompose à chaque instant. Il nous appartient à tous d’œuvrer pour que la société de demain soit plus juste. Nous voulons que les apports culturels des personnes issues de l’immigration soient reconnus et valorisés. Nous voulons que nos enfants, tous nos enfants, quittent l’école avec une formation qualifiante et la certitude de trouver du travail. Les questions de l’emploi et de la formation deviennent critiques alors que le chômage ne cesse d’augmenter.
Les objectifs que le Luxembourg s’est fixé dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 » concernant l’emploi, l’éducation et l’inclusion sociale ne sont, dans ce sens, pas assez ambitieux, même s’ils cadrent avec les vœux de l’Europe. Le Luxembourg ne peut se contenter d’un quasi statu quo concernant le taux d’emploi, le décrochage scolaire et la lutte contre la pauvreté et doit présenter un programme audacieux pour un meilleur accès des immigrés au marché du travail. Cette réflexion vaut non seulement pour les citoyens issus des pays tiers, dont le taux de chômage est trop élevé, mais aussi pour la nouvelle immigration européenne, très qualifiée, et dont l’emploi est souvent précaire. Et si nous parlons de précarité, nous pensons également aux femmes présentes sur le territoire à travers le regroupement familial, pour lesquelles la recherche d’emploi et l’obtention d’un travail décent s’apparente souvent au parcours du combattant.
Nous ne pouvons inaugurer ce Festival sans nous tourner vers le monde arabe, où ont émergé des luttes citoyennes pour une vie décente, une juste redistribution des richesses et des libertés démocratiques. Ces luttes nous prouvent que la conviction démocratique peut être universelle et intangible, que ces terres ne sont pas condamnées par le destin à subir éternellement l’autoritarisme.
Mais ces révolutions historiques impliquent également leur lot de tragédies. Des milliers de personnes perdent leur vie simplement parce qu’ils se battent pour leur liberté. D’autres, aussi nombreux fuient la misère, la répression et l’inconnu : Combien de refugiés campent sur les côtes de Tunisie ou de la Lybie en attendant une possibilité de partir vers un idéal de vie meilleure ?
Des milliers de personnes, au prix de leur vie, essayent de traverser la mer pour se sentir par la suite rejetés. Tout en étant conscients qu’un seul pays ne pourra pas résoudre ce problème, nous demandons à l’Union européenne de définir un politique d’accueil commune et de l’appliquer sur l’ensemble de son territoire. Nous demandons aux élus Luxembourgeois au Parlement européen, de porter notre revendication aux plus hautes instances et de soutenir notre démarche. Nous refusons de croire qu’être né sur une terre riche puisse constituer un privilège réservé à une minorité.  Les pays européens doivent apprendre à ne plus voir les mouvements migratoires comme une menace pour leur souveraineté et leur sécurité.
Nous avons une pensée émue pour les victimes de catastrophes naturelles, notamment celle survenue au Japon récemment. Nous en appelons à une solidarité internationale plus grande avec ces victimes, nous demandons à ce que notre regard ne se détourne pas dès le feu médiatique éteint, comme ce fut le cas pour Haïti. La reconstruction est longue, notre aide toujours importante.

Le mois dernier, le ministre de l’immigration, Nicolas Schmit, annonçait un accroissement des demandes d’asile de personnes originaires des Balkans, notamment de la Serbie, depuis la levée de l’obligation de visas pour ces ressortissants. Le Clae tient à rappeler que dans certains de ces pays, la situation reste instable. Des centaines de milliers de personnes déplacées ou issues des minorités, après des années d’errance et de conditions de vies dramatiques n’ont d’autres choix que de partir vers un endroit meilleur.
Parmi ces demandeurs d’asile se trouvent de nombreux Roms. Un peuple sans pouvoir et sans droits, mais aussi sans État, qu’il est de notre devoir, dans tous les pays de l’Union Européenne, d’accueillir dignement. Les Roms souffrent aujourd’hui encore de trop d’injustice dans tous les pays d’Europe pour que le Festival ne s’empare de cette problématique. Nous vous invitons tous demain à 15h 30 à une table ronde sur ce sujet.
La Convention de Genève a 60 ans. C’est désormais une vieille dame, une vieille dame que nous nous devons de respecter. Trop souvent, les demandeurs d’asile, s’ils viennent d’un pays jugé comme sûr, sont considérés comme des immigrés économiques. Le Luxembourg doit cependant considérer la situation personnelle de chaque demandeur. Qu’elles soient Roms ou issues d’autres cultures, ces personnes subissent bien souvent de nombreuses discriminations dans leur pays d’origine.
Nous déplorons, dans le cadre de la politique d’immigration et d’asile que le projet de loi déposé en novembre dernier, soit par certains de ses aspects plus restrictif que  la Directive européenne sur les retours qu’il transpose. Nous demandons entre autres que la durée maximale de rétention ne soit pas augmentée et que des mesures alternatives à la rétention soient le plus souvent préconisées. Le CLAE s’oppose en outre catégoriquement au placement en rétention des mineurs non accompagnés tel que prévu par le projet de loi.
Il est également urgent que le Gouvernement trouve une solution adéquate et humaine à la pénurie de logements pour les demandeurs d’asile. Les communes ne peuvent plus refuser de les accueillir sur leur sol.
Grâce aux associations qui œuvrent au Luxembourg, mais aussi dans la Grande région, à l’implication des nombreux bénévoles et salariés qui s’investissent dans leur organisation et surtout grâce aux nombreux visiteurs qui nous témoignent leur confiance, le Festival des migrations des cultures et de la Citoyenneté et le Salon du livre et des cultures, à la croisée des peuples et des cultures, peuvent être une réussite. Nous vous remercions tous pour votre implication. Nous aurons, tout au long de ce Festival, une pensée émue pour Giovanni Stupici, cheville ouvrière du Festival pendant plus de vingt années, qui nous a quittés il y a quelques semaines.
Je tiens à remercier également le Ministère de la Famille et de l’Intégration et en particulier l’Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration, la Ville de Luxembourg, l’entreprise des P&T, le Ministère du Logement et bien d’autres encore pour leur soutien financier, ainsi que la LuxExpo pour son accueil.
Je vous convie, après les allocutions de Madame Jacobs, ministre de la Famille et de l’Intégration et de Monsieur Bettel, échevin de la Ville de Luxembourg, au vin d’honneur offert par la Ville qui se tiendra au bar ici à ma droite. Nous vous invitons ensuite à déambuler dans les allées métissées de ce 28e Festival et à vous rappeler que la littérature, le cinéma, la musique, la gastronomie et la vie associative sont autant de passerelles pour rencontrer et découvrir la richesse culturelle de notre pays, où se dessine notre histoire partagée et notre futur commun.

Le CLAE. 19 mars 2011
28e Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté, Luxembourg.

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