Le temps de la rétention ou d’une nouvelle politique d’immigration ?

Le nouveau centre de rétention devrait ouvrir ses portes le 18 juillet. Certains se féliciteront que le placement en rétention ne se fasse plus au sein de l’établissement pénitencier de Schrassig, mais dans un lieu plus approprié. Le Clae quant à lui s’était positionné contre sa construction dès 2006 et, suite au pacte européen sur l’immigration et aux votes de diverses directives restreignant de plus en plus les droits des personnes originaires des pays tiers qui veulent immigrer vers l’Europe, s’interroge sur le futur des politiques d’immigration.

Les personnes demandeuses d’asile déboutées, immigrées en situation irrégulière qui ont l’obligation de quitter le territoire luxembourgeois et qui refusent de le faire volontairement peuvent être placées en rétention pour une période maximale de 6 mois. Ces personnes n’ont commis aucun délit ou crime de droit commun. Le centre de rétention se veut ne pas être une prison et pourtant les personnes qui vont y séjourner seront privées de liberté. N’est-ce pas là la définition première d’une prison ? Certes, les personnes retenues bénéficieront d’un peu plus de confort et pourront se déplacer à l’intérieur du centre. Les visites de l’extérieur restent néanmoins très règlementées.

Nous n’avons besoin ni au Luxembourg ni dans les autres pays de l’Union Européenne de centres de rétention. Ces centres sont la résultante de politiques d’immigration obtuses et sans perspectives. Ces politiques sont conditionnées par les discours démagogiques qui sont l’apanage de la droite de l’échiquier politique européen et sont reprises bien souvent, voire trop souvent, par tous les autres courants politiques. Il est temps que nos hommes et femmes politiques commencent à présenter la situation de l’immigration en Europe de manière réaliste et avec une vision qui dépasse la durée de leur mandat.

Il est faux de croire que l’Europe est envahie par une affluence de populations venant des pays du sud. Les personnes qui arrivent dans nos pays européens ne représentent qu’une infime partie des migrants et réfugiés, qui se déplacent soit à l’intérieur même de leurs frontières soit dans les Etats proches de leur pays d’origine. À titre d’exemple, la Tunisie accueille actuellement environ 500.000 réfugiés venant de Lybie. Au regard de ces données, les quelques milliers de personnes arrivées en Italie et en France, souvent au péril de leur vie, représentent bien peu de choses.

Nos classes dirigeantes doivent expliquer et reconnaître les responsabilités des pays développés dans la plupart des circonstances qui poussent ces personnes au départ : le réchauffement climatique, les politiques économiques menées dans les pays du sud et qui souvent conduisent des populations entières à la pauvreté et à la famine, le soutien de nos gouvernements à des régimes corrompus et dictatoriaux que souvent nos pays riches et démocratiques ont contribué à mettre en place.

Les politiques d’immigration actuelles qui tendent à faire de l’Europe une forteresse accessible uniquement à une certaine élite ainsi qu’aux capitaux, ont montré leurs limites et leur inutilité. Aucune barrière, ni les sommes faramineuses dépensées pour l’agence Frontex ou la politique d’externalisation des frontières, ne peuvent arrêter les personnes qui ont faim, qui craignent pour leur vie et pour celle de leurs familles. Les politiques actuelles ne favorisent que les marchands d’êtres humains et tous ceux qui profitent de la misère des autres.

Alors il est vraiment temps de commencer à fermer progressivement, mais rapidement les centres de rétention et de réfléchir à toutes les questions relatives à l’immigration de manière différente et positive. Ce changement de paradigme doit se refléter dans les politiques à venir qu’elles soient nationales ou européennes. Espérons aujourd’hui que la Commission européenne ne cèdera pas à l’avenir face à la pression de certains Etats de déroger à la liberté de circulation lors de trop forte pression migratoire. Malheureusement, rien n’est moins sûr.

Franco Barilozzi

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