Connaître l'Autre, traduire la Différence
Quand j’ai reçu la proposition de participer au Salon du Livre et des Cultures à Luxembourg, je n’étais pas convaincue de réussir à traduire avec succès les poèmes et d’autres textes littéraires que les écrivains du Monténégro, invités à cette édition du Salon, m’avaient envoyés. Etant donné que je travaille depuis presque huit ans en tant qu’interprète de conférence au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, j’ai eu peur de ne pas pouvoir retrouver l’inspiration nécessaire à la traduction littéraire. Jusqu’ici, je traduisais principalement des documents juridiques et j’avais peu d’occasions de m’essayer à la traduction littéraire. Par contre, pendant la guerre j’avais écrit un conte intitulé Les chiens, qui a été publié dans le Monde de l’éducation. Mon conte, écrit en français, faisait partie d’un recueil de contes écrits par des étudiants de la Faculté des lettres de Sarajevo.
J’ai finalement accepté le défi et commencé à traduire les textes qui m’ont immédiatement émerveillée car ils reflétaient fidèlement la vie et la mentalité des gens dont ils relataient le destin. Leurs auteurs sont tous originaires d’une partie du Monténégro où la langue est particulièrement reconnaissable et authentique, et dans leurs ouvrages ils ont su préserver sa spécificité et sa mélodie, ce qui m’a fait voyager dans le temps.
C’était la première fois que je me rendais dans la ville de Luxembourg où, à ma grande surprise, j’ai découvert le brassage réussi de nombreux peuples du monde entier. Les stands au Festival présentaient un grand nombre d’objets folkloriques et de mets gastronomiques venant des quatre coins de la planète. Un vrai plaisir pour les yeux et pour le palais. Et il y régnait une ambiance exceptionnelle de solidarité et le sentiment joyeux de faire partie de la même communauté, celle des immigrés. J’ai vu le stand de la Bosnie-Herzégovine, mon pays d’origine, et une émotion forte m’a immédiatement saisie. Il y a certainement à Luxembourg des gens de mon pays, et de ma ville natale de Sarajevo, qui ont fui la guerre ou ont été forcés de quitter leur foyer et de devenir réfugiés. Aujourd’hui la diaspora de toutes les républiques de l’ancienne Yougoslavie est malheureusement dispersée dans le monde entier.
Bien que je n’aie pas pu assister aux tables rondes sur la traduction, j’ai rencontré quelques traducteurs des pays des Balkans. Nous avons brièvement parlé de nos expériences professionnelles et échangé nos coordonnées. C’est peut-être le début de la création d’un réseau non seulement de traducteurs, mais aussi de gens de bonne volonté.
Ce que j’ai vécu et ressenti au Salon du Livre et des Cultures à Luxembourg pourrait être décrit comme la renaissance de mon optimisme et de ma confiance quant aux relations entre les peuples, qui ne pourront que s’améliorer, grâce à la littérature et à la culture en général.
Elmedina Podrug,
Interprète de conférence et traductrice
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