Lettres Luxembourg


Sur la même rive, la rive de l’Autre


Nous naviguions déjà, depuis presque 20 années au festival dit alors de l’immigration, entre cuisines, musiques, stands associatifs, débats politiques, sur des terres proches et lointaines. Avec les associations, présentes depuis toujours dans cette manifestation populaire, nous dessinions de nouvelles géographies avec comme port d’attache la citoyenneté au Luxembourg. Mais il manquait une continuité culturelle, entre la terre d’émigration et la terre d’immigration. Le lancement du Salon du livre et des cultures et le passage d’un festival de l’immigration au festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté souhaitaient valoriser la diversité culturelle du pays et souligner le métissage en mouvement.
Les littératures présentes au salon du livre et des cultures définissent une nouvelle manière d’être au Luxembourg qui ne s’accommode plus des appartenances étroites héritées des siècles précédents. Une telle organisation n’est d’ailleurs possible que grâce à l’engagement et au bénévolat de nombreuses associations qui préparent tout au long de l’année cet événement.

Le salon a évolué depuis 2001


Depuis sa création, vous pouvez trouver dans le Salon du livre et des Cultures des livres dans les langues de la grande majorité des cultures présentes au Grand Duché. Les écrivains que nous continuons à inviter sont toujours proposés par les associations partenaires du CLAE : ils sont originaires de plusieurs pays, le Luxembourg y compris. En 10 ans, de nouvelles associations se sont ajoutées, ainsi que des libraires, des éditeurs, des revues, plus nombreux d’une année sur l ‘autre. Ils nous aident à développer la diversité, la qualité et la renommée du salon qui, toutes proportions gardées, est sans doute une des initiatives les plus originales en Europe. L’évolution se manifeste également par le nombre accru des espaces culturels présents, des rencontres interculturelles, par l’interprétation simultanée vers le français, d’abord à partir de trois et actuellement à partir de sept langues. Et, depuis la 9ème édition, se réalisent des activités « décentralisées », notamment grâce à la collaboration de la Kulturfabrik et du Centre National de Littérature et nous recevons un financement du Fonds européen d’intégration des ressortissants des pays tiers (FEI) et de l’Office luxembourgeois d’intégration et accueil (OLAI), pour favoriser la participation des cultures et des littératures issues des pays tiers.

Le salon est-il une réponse aux questions de certaines personnes sur l’intégration des « étrangers » au Luxembourg?

Nous sommes du Luxembourg et de la Méditerranée, des Balkans et de Diekirch, de Dudelange, d’Esch-sur-Alzette et d’Afrique francophone. Notre culture est capverdienne avec une diction lisboète et un accent du Grund. Nous sommes du Grand Duché avec des amours anciennes à Vienne, ou Berlin, des collègues à New York et des beaux parents à Barcelone. Nos pas ont commencé à Barcelone, arpenté les rues de Berlin et sautillé devant les manèges de la Schuberfouer. Nos saveurs sont épicées comme les piments du Katanga et sucrées comme les beignets quotidiens de la boulangerie de Gasperich. Nous ne sommes pas des peuples qui déplaçons des nations mais, nous faisons culture avec cette terre. Le Luxembourg est une des îles principales de l’archipel de notre vie. Le Salon du livre tout comme le Festival des migrations, invite à une rencontre éloignée des considérations strictement économiques, qui s’avère extrêmement importante et utile : derrière chaque personne il y a des siècles de légendes, de mythe, de contes, de mots, de personnages, des paysages, de guerres et de trêves, et chaque personne est porteuse d’une richesse à transmettre et doit être réceptive aux apports des autres. C’est en construisant des langages communs que les différentes cultures ravivent leur valeur de passeurs de vie. Et les personnes et sociétés qui accèdent à ce jeu ne peuvent qu’en sortir enrichies

Le salon du livre et des cultures est ancré au Kirchberg


Le concept de base n’a pas changé depuis le début : rapprocher les cultures et les personnes qui les portent. Ce 10e Salon du livre et des cultures s’inscrit dans la continuité des précédents, où les littératures sont présentes au fil de plusieurs espaces culturels, de références qui ont augmenté au fil des années avec l’engagement associatif. Ce sont de « Modernes humanités » que les écrivains clament et, dans un même mouvement, ces voix littéraires font écho au devenir des populations venues au Grand-Duché comme une inscription pour un devenir commun au Luxembourg.

Cette année un des points forts sera la table ronde « La traduction dans tous ses états », samedi 20 à 19h00. Des écrivains, des traducteurs, des interprètes, réfléchiront et débattront sur un sujet parmi les plus quotidiens au Luxembourg et plus nécessaires dans l’apprentissage et la pratique de ce qu’on appelle relations interculturelles.

Le salon du livre est maintenant ancré au Kirchberg. C’est à l’arrivée de ce dixième équipage que nous vous invitons : sur la même rive, au Luxembourg, la rive de l’Autre.

Paca Rimbau Hernández et Jean Philippe Ruiz et Claudine Scherrer
Ce texte a été aussi publié dans le mensuel Kulturissimo, Luxembourg,mars 2010.

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