Je suis un privilégié : je me suis battu pour mes idéaux et j’ai assisté au succès de mon combat


Né à Lagoa do Furadouro (Portugal) en 1935, Luandino Vieira a grandi et fait ses études à Luanda. Militant du MPLA, mouvement de libération nationale angolais, il fut emprisonné par la PIDE et condamné à 14 ans de prison. Il passa huit années au camp de concentration de Tarrafal (Cap-Vert), où il écrivit la plupart de ses œuvres. Membre fondateur de l'Union des Ecrivains Angolais, il en fut secrétaire général jusqu'en 1992.


Je suis un privilégié : je me suis battu pour mes idéaux et j’ai assisté au succès de mon combat

Luandino Vieira fait partie des personnes qui ont vraiment choisi quelle nationalité voir affichée sur leur passeport. Angolais né au Portugal, Luandino Vieira est considéré comme une des voix le plus expressives de la littérature en portugais. Dans son roman Nous autres, de Makulusu, il affirme « Bilingues presque nous sommes ». Dans sa réponse à la question « Écrivez-vous dans la langue de Camões ? », il rappelle une situation qui pour de nombreuses personnes résidant au Luxembourg ne devrait pas être inconnue : la langue des jeux de l’enfance devient secondaire dès le début de la scolarisation. Dans son cas, enfant de colons, la langue parlée à la maison était le portugais et celle commune aux autres enfants, avec lesquels il a partagé la « liberté de jouer » jusqu'à l’entrée à l’école, à l’âge de sept ans, était le kimbundu. Les deux langues s’entremêlaient, le vocabulaire était composé des mots des deux origines. Cette situation a commencé à changer à partir de l’alphabétisation, où le portugais a pris le devant. Ensuite, au lycée, Luandino Vieira, « lecteur compulsif », a pris goût à la littérature en lisant en portugais. Ce fut au camp de concentration de Tarrafal, où il vécut emprisonné entre 1964 et 1972, et où il retrouva d’anciens camarades, qu’il récupéra le kimbundu de son enfance. Durant cette période de privation de liberté, il enseigna le portugais et raviva ses connaissances de kimbundu. C’est ici où il écrivit des œuvres essentielles. L’écriture fut sa principale ressource de survie psychologique et d’entretien de son équilibre. Pour rester en vie, il dut puiser dans sa mémoire pour dépasser ses carences pendant ces longues années. Pourtant, il n’a pas de ressentiment, car lui, comme ses confrères de la même génération, a eu le privilège de participer à une lutte victorieuse : l’indépendance politique de l’Angola. Interrogé sur les valeurs culturelles liées à l’émigration, Luandino Vieira exprime sa conviction que « la culture — celle des personnes émigrées — est plus importante que leur force de travail. C’est dommage que souvent on oublie et dévalorise l’identité humaine, la spiritualité. Je suis persuadé que l’exploitation est moins efficace lorsque les personnes possèdent une éducation qui les rend conscientes et qui rend donc moins vulnérable leur intégrité. Je crois que le poste plus important du budget des États devrait se consacrer à la culture et à l’éducation ».
À propos de son traducteur en français, Michel Laban (1946-2008), Luandino Vieira, avec un sens de l’humour exquis et une grande reconnaissance, nous a dit qu’ils avaient un contact très fréquent et que Michel Laban lui posait continuellement des questions jusqu’à avoir vraiment saisi, par exemple, comment était tel ou tel oiseau, ou quelle était vraiment la correspondance entre tel mot et telle situation… « Grâce à lui j’ai compris des mécanismes et des options littéraires que j’avais employés spontanément, sans réfléchir. Il a beaucoup contribué à la qualité de mon écriture ».

Paca Rimbau Hernández

Samedi 14 mars : Festival des Migrations, des Cultures et de la Citoyenneté, Luxembourg
9e Salon du livre et des cultures

Jeudi 12 mars, 19h30, Kulturfabrik : Débat « Métissage et littératures », avec Luandino Vieira (Angola), Joaquim Arena (Cap-Vert), Alicia Elizundia Ramírez (Cuba), Juan José Sandoval Zapata (Pérou), Teresa Ruiz Rosas (Pérou), Abel Isaías Rodríguez (Mexique). Organisé par le CLAE en collaboration avec la revue Transkrit et le Centre Culturel Kulturfabrik, il sera animé par Jean Portante. (Interprétation simultanée FR-PT-ES).
Samedi 14 mars, 15h30 : Débat « Littérature lusophone ou littératures lusophones ? », avec Luandino Vieira (Angola) Amilcar Bettega (Brésil), Joaquim Arena (Cap-Vert), José Jorge Letria (Portugal). Organisé par le CLAE, il sera animé par António Gonçalves, collaborateur de la revue Abril. (Interprétation simultanée FR-PT-FR).

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