Discours d’ouverture du XXVIème Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté

Madame la Ministre,
Monsieur le Bourgmestre
Mesdames, Messieurs,

Au nom du Comité de Liaison des Associations d’Etrangers, je déclare ouvert le 26e Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté, Festival que nous plaçons, une année de plus, sous l’égide de la citoyenneté de résidence et du droit du sol, mais aussi et surtout sous celle d’une communauté de destins.
Nous saluons tous les participants et nous tenons à remercier les autorités présentes, ainsi que tous nos autres invités, qui nous honorent aujourd’hui de leur présence.
Nous inaugurons aujourd’hui ensemble la 26e édition du Festival. Il est inutile, je pense, de vous rappeler quel a été, quel est et quel sera le rôle de ce Festival comme grande fête de la convivialité interculturelle au Luxembourg, mais aussi comme expression des souhaits de participation, tant au niveau politique, sociale que culturelle des personnes venues en émigration au Luxembourg. Je crois aussi inutile de vous rappeler la place que ce Festival a su gagner, au fil des années, dans le cœur de tous et qui le classe, tout naturellement, parmi les grands événements de la vie culturelle et sociale de notre pays.
En 2009, nous accueillons environ 200 stands associatifs du Luxembourg et de la Grande Région. Un record par rapport aux éditions précédentes. Le Festival accueille également, dans le cadre du Salon du Livre et des cultures, plus d’écrivains que jamais, écrivains venus des quatre coins du mondes et représentant tous les grands courants culturels présents au Luxembourg. Tout cela prouve la grande vitalité du mouvement associatif au Grand-Duché. Un mouvement associatif, certes en mutation permanente, voire, diront certains, en crise permanente, mais qui ne peut être comparé ni dans son organisation ni dans ses objectifs avec celui d'il y a vingt ou trente années. Un mouvement associatif dynamique et disponible pour contribuer à faire du Luxembourg un pays où chacun aime vivre.
2009 n'est pas une année comme les autres. La crise économique touche de plein fouet tous les pays du monde, bien qu'elle ne les touche pas de la même manière, ni qu’elle affecte pareillement toutes les catégories de la population. Elle touche, bien évidemment, le Luxembourg. Le CLAE représente le mouvement associatif des étrangers de ce pays et ne peut pas rester indifférent aux effets dévastateurs que cette crise peut avoir sur des miliers de personnes, dont un grand nombre de résidents étrangers au Luxembourg et de frontaliers.
Il n'est pas de notre ressort, mais de celui des partenaires sociaux, de faire des propositions relatives à l'indexation du coût de la vie, aux licenciements au sein d'entreprises ou au fonctionnement des services de l'emploi. Le CLAE sera particulièrement sensible pendant cette année et celles qui s'annoncent, à renforcer sa coopération avec les principaux syndicats à la recherche d'idées communes sur les politiques les plus efficaces pour préserver les droits de la population salariée d’origine étrangère, qui a contribué de manière exemplaire et constructive pendant toutes ces années de prospérité à faire du Luxembourg l'exemple de réussite économique qu'il est et qui ne doit pas maintenant être la première à endosser les effets pervers de cette crise que nous traversons.
Le CLAE voit avec une profonde préoccupation les conflits d'intérêts entre travailleurs de nationalités différentes qui ont débouché dans certains pays (le Royaume-Uni pour ne pas le citer) en des grèves dites 'anti-étrangers'. Dans n'importe quel pays les effets de la crise se font sentir dans la même proportion pour les nationaux et pour les étrangers résidents et rien ne justifierait de profiter de ce malaise économique pour lancer des appels opportunistes, particulièrement en ces temps pré-électoraux, aux renforcements identitaires des uns ou des autres.
Nous rejèterons catégoriquement une utilisation abusive de la situation de crise actuelle pour contourner des procédures ou des analyses détaillées sur la situation des étrangers les plus précarisés établis au pays. Des annonces alarmantes et parfois menaçantes circulent et ont parfois été oralement transmises à des demandeurs de protection internationale ou simplement des personnes qui se trouvent sur le territoire national depuis des années et qui ont épuisé leurs voies de recours mais qui peuvent, légitimement, prétendre la régularisation pour motifs exceptionnels prévue dans la nouvelle Loi sur la sur la libre circulation des personnes et l’immigration. Rien ne justifierait aujourd’hui ou demain l'expulsion de tous ces résidents étrangers en situation précaire. Les procédures doivent être respectées, l'analyse des situations au cas par cas en donnant aux ONG l'opportunité de défendre ces personnes, et, surtout, la perception que l'on envoie pas d'office en enfer celui qui se trouve au purgatoire, doive être préservé. Nous entendrons comme une profonde injustice et comme une terrible tragédie humaine des expulsions vers nulle part justifiées par l'argument de la 'crise'.
Nous savons bien que la question du droit d’asile se recoupe avec d’autres aspects chargés d’affectivité tel que l’identité, révélant l’existence d’une faille dans l’édifice démocratique de nos sociétés. S’agissant des demandeurs d’asile, beaucoup de gens raisonnent en termes nationaux alors que le problème revêt une dimension paneuropéenne. Nous espérons aussi qu'un raisonnement européen et solidaire finira pour s'imposer loin des idées qui ont semblé inspirer la Directive européenne de 2007 sur la rétention et l'expulsion des personnes étrangères aussi appelée Directive de la honte.
Ce raisonnement européen et solidaire ne semble pas être la règle en ce qui concerne la situation des travailleurs frontaliers au Luxembourg. Si besoin il y a de faits pratiques qui pourraient justifier nos préoccupations pour l'avenir, les licenciements de ces travailleurs utilisés ces dernières semaines comme première 'variable d'ajustement' dans certains secteurs économiques semblent nous donner raison dans nos craintes.
Parmi toutes les propositions pour créer les conditions d’une relance économique, l'innovation et la formation apparaissent au premier rang. Trois lois portant sur l'organisation de l'enseignement fondamental ont été votées à la Chambre des députés le 21 janvier dernier. Lois qui réorganisent les 9 premières années de scolarisation sur le plan pédagogique et organisationnel, dans le but d'une meilleure réussite de tous les élèves. Cette reforme ne peut échouer une fois de plus. Permettez nous de nous réjouir quand nous observons que certains des rapports qui on inspiré cette reforme sont proches des textes déjà publiés par le CLAE il y a une bonne quinzaine d'années. Le CLAE défend depuis des décennies l'’égalité des chances et les rééquilibrages linguistiques nécessaires qui doivent être assurés afin de combattre le fléau social que représente l’échec scolaire au Luxembourg. Pour combattre les inégalités qui conduisent à cet échec, des mesures doivent être adoptées dès l’école primaire, notamment par le développement des structures d’aide aux devoirs, des classes d’appui et d’intégration des nouveaux arrivants et en facilitant l'extension des cours intégrés. Un mécanisme régulier d’audit transparent et indépendant doit permettre de prendre, en temps utiles, les mesures nécessaires améliorant le fonctionnement du système scolaire. Il faut que les positions conservatrices qui empêchent toute réforme en profondeur de notre système scolaire puissent être surmontées par la complicité active du monde associatif étranger et des responsables politiques qui, de temps en temps, ‘osent’ clamer le besoin d’une école pour tous et la lutte contre l’échec scolaire.
Il faut bien reconnaître que 2008 a été une année très productive en termes de législation touchant directement les résidents d’origine étrangère. C'est, peut être, le destin naturel des années pré-électorales.
Nous voulons célébrer l'entrée en vigueur de la Loi sur la libre circulation des personnes et sur l'immigration. La Loi précédente datant de 1972, le besoin d'adapter le marché de l'emploi et les règles de procédure à une réalité qui avait si profondément changé en presque 40 années devenait primordial. La Loi sur l'accueil et l'intégration des étrangers a aussi été adoptée en 2008. Le CLAE a été tout à fait opposé à une séparation entre la politique d'entrée et séjour et la politique d'intégration. La référence à deux textes et à deux Ministères différents en charge de leur exécution sera un exercice difficile pour une application qui voit l'entrée d'un étranger sur le territoire national non pas comme un acte administratif mais comme une politique à long terme avec l'intégration comme seul souci.
Nous avons aussi exprimé notre appréciation positive sur la Loi sur l'accueil et l'intégration des étrangers mais nos tenons à rappeler que nous regrettons que ce projet de loi ne soit pas également accompagné par une réforme en profondeur de la loi électorale permettant à tous les résidents d’accéder sans restrictions à la participation politique tant au niveau communal, national et européen. La participation politique est une facette importante d’une politique d’intégration volontariste.
La même réflexion concerne la politique culturelle du pays. Comme le dit bien le projet de loi, le mot « intégration » sous entend un processus à double sens qui implique que la société luxembourgeoise, sa culture évolue avec les apports des uns et des autres. Une politique culturelle attentive et favorisant la création (et non seulement la gestion des grands ensembles culturels) est le corollaire indispensable de toute politique d’intégration.
Nous voulons finalement dans ce compte-rendu législatif de 2008 rappeler l'une des avancées les plus importantes dans l'égalité des droits, à savoir les nouvelles dispositions permettant l'acquisition de la nationalité luxembourgeoise sans renoncer à la nationalité d'origine. Il faut ne pas négliger l'importance historique de cette décision. Il est vrai, néanmoins, que pour le CLAE, si cette loi contient des avancées positives notamment au niveau de la procédure qui s’en trouve simplifiée, elle allonge les délais quant à la résidence. Le texte renforce la notion de « l’identité par voie législative » en augmentant encore les connaissances linguistiques requises et la notion de « intégration = connaissance de la langue luxembourgeoise est loin d’être effacée et cela sans prendre beaucoup de mesures pour faciliter l’accès à la connaissance linguistique. Le CLAE a toujours prôné la connaissance de la langue luxembourgeoise que nous considérons comme un patrimoine commun qu´il faut défendre et préserver, mais pour demander de telles exigences linguistiques, le Gouvernement aurait dû prouver que le taux de réussite dans les différents cours luxembourgeois offerts par l’Etat et les communes était important depuis 1984.
Le CLAE fera de la promotion de cette Loi l'un de ses grands objectifs de campagne de sensibilisation en 2009 et nous espérons qu’elle deviendra un puissant instrument de participation des citoyens d’origine étrangère à la vie du pays.
Nous remercions la Ville de Luxembourg et ses différents services ainsi que le Bourgmestre M. Paul Helminger et le collège Echevinal, pour leur disponibilité et leur coopération pour la préparation du Festival. La signature d’une Convention entre le CLAE et la Ville de Luxembourg visant à garantir une stabilité financière du Festival pendant trois années, a été un pas important vers sa consolidation et son développement futur. Malheureusement l’avenir du Festival n'est jamais loin de menaces financières. Il est sans doute victime de son succès, mais aussi de coûts économiques difficiles à supporter, que nous refusons de faire assumer au monde associatif ; il est aussi victime d'un manque d'intérêt des autorités culturelles qui, de nouveau, semblent privilégier le financement d'autres activités qui sont loin de rencontrer le succès populaire de ce festival.
Finalement, un mot de reconnaissance pour tous les sponsors publics et privés qui ont soutenu financièrement le festival. Merci beaucoup. Merci à LuxExpo pour l’accueil qui nous a été réservé ainsi qu'un grand merci aux bénévoles des associations et aux permanents du CLAE qui ont travaillé pendant des mois pour mettre sur pied cette manifestation. A tous ces bénévoles, à ceux et celles d’hier et à ceux et celles d’aujourd’hui, nous voudrions une fois de plus rendre hommage.
Nous vous invitons donc à découvrir les allées métisées de ce 26e Festival et à vous rappeler que la littérature, le cinéma, la musique, la gastronomie et la vie associative sont autant de passerelles pour rencontrer et pour découvrir la richesse culturelle de notre pays commun, le Luxembourg, pays où se dessine notre communauté de destins.
Je me permets de vous inviter après les mots de bienvenue de Madame Jacobs, Ministre de la Famille et de Monsieur Helminger, Bourgmestre de la Ville, à une visite des stands et au vin d’honneur offert par la Ville de Luxembourg qui se déroulera dans le Salon du Livre.

Merci à tous.
Discours prononcé le 14/03/09 lors de la 26éme éditions du Festival des Migrations, des Cultures et de la Citoyenneté, Luxexpo, Luxembourg

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