Les traverseurs de la Méditerranée
© Photo Paulo Lobo / Clae / Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté, Luxembourg, 2018. |
Méditerranée, mer au milieu des terres, Mare Nostrum, mer blanche, Grande
mer. Elle ne sera plus avant longtemps
cet espace commun, partagé, accaparé qui au fil des voyages, des conquêtes, des
découvertes, des échanges, des marchandises, des batailles, des Universités, des
confrontations, forgea un espace imaginaire et symbolique ou le métissage des
cultures, la conjugaison des langues, les premières écritures, le syncrétisme
fit naitre de brillante civilisations. Pour quelques temps encore elle restera
éloignée de nos projets d’universalité. Linceul, aujourd’hui elle recueille une
armada anonyme, des sans-nom par millier échoués au fond de ses abymes. Trop de
morts. Pour nous qui avons tellement rêvé cet espace, comme un modèle qui donne
sens au métissage des cultures, une histoire, un territoire du syncrétisme
culturel, sans naïveté aucune. Il nous faut maintenant le temps du deuil. Par
dizaine maintenant, nos géographies heureuses, ces régions du monde où se sont
croisé les cultures pour faire civilisations, se taisent, retiennent leur
respiration, se calfeutrent parfois sous des pensées arbitraires, maltraitées
par des définitions, des croyances et des pratiques iniques de la
transcendance.
Nos paysages de pensées, nos géographies humaines faisait l’histoire.
Que vont-ils devenir ? Le Festival des migrations, des cultures et de la
citoyenneté comme d’autres manifestations, sont de nouvelles géographies
humaines. Regardez la liste de tous les participants, observez les visiteurs,
écoutez et regardez tous les projets qui s’y déploient et vous verrez un
caravansérail moderne, en ébullition, un nouvel Euphrate avec les premières écritures,
une vallée de l’Indus, une fabrique des langues, une route de la soie, un
royaume d’Afrique.
Les mondes sont aujourd’hui au centre des villes modernes et le
Festival au Luxembourg donne à voir les milles chemins qui y ont conduits, les
milles cultures, les milles langues : dans cette nouvelle Université, les
traverseurs de la Méditerranée font stand, les familles de la migration, installées,
font culture. Les exilés font asile et parlent de leur itinéraire. Au festival,
nous tous, citoyens, nous pouvons tutoyer les identités recomposées et faire
solidarité.
Nous pensons au peuple des ombres au fond de la Méditerranée, nous
pensons au peuple des brumes de l’exil qui réussissent le voyage. Les bords de
mer, au sud, au nord, au nord du sud deviennent des linceuls : ceux et
celles qui sont arrivés jusqu’à nous, sont présent au festival et leur présence
avec un stand, une exposition, en visiteurs nous encourage vers de nouveaux
projets pour que la méditerranée redeviennent Mare Nostrum.
RJP / Faire société, février 2018, Clae - Luxembourg
31-01-2018
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