Tous citoyens européens !


Tous citoyens européens ! est un projet porté par trois associations issues de l’immigration guinéenne et luso-guinéenne, l’Association des Guinéens et ami(e)s de Luxembourg (Aguilux), l’Association luso-guinéenne de Luxembourg (ALGL), l’Association guinéenne de Cabienque au Luxembourg (AGCL) ainsi que le Clae dans le cadre de l’actuelle campagne d’information et de sensibilisation sur les listes électorales européennes.

L’immigration guinéenne et luso-guinéenne relativement récente au Luxembourg pourrait s’expliquer par un itinéraire qui relie les rives de ces deux pays à celles du Portugal puis du Luxembourg. Beaucoup de personnes ont durement travaillé pendant des années, ont construit une famille, sont devenues en l’occurrence citoyens de l’Union européenne puis ont subi les effets les plus humainement déplorables d’une crise qui force à partir et à s’installer dans un nouveau pays. Personne, ni aucune statistique n’est vraiment en mesure de quantifier cette immigration, si ce n’est par la création et l’action d’associations qui se sont très rapidement mise en mouvement et portent le désir de s’inscrire dans notre société Grand-Ducale. Un Toc-toc-toc aura suffit pour nous embarquer ensemble dans ce nouveau projet qui permet de croiser les expériences et réflexions de chacun. Plusieurs aspects nous ont semblé importants.

Le premier était de relier ce projet à la réalité du terrain est d’informer les citoyens de leurs droits en matière électorale, de les accompagner si nécessaire dans les démarches administratives mais aussi de proposer un espace de discussion et d’échanges qui serait capable d’associer les enjeux des élections européennes aux réalités et conséquences concrètes sur la vie quotidienne. L’Union européenne est de ce point de vue un immense mécanisme dont le mouvement et les rouages restent difficilement déchiffrables et qui pourtant a de plus en plus de pouvoir sur les politiques y compris nationales. Les conséquences de ces élections sur la vie quotidienne sont indéniables mais le vaisseau navigue, parfois cabote en faisant perdre le cap aux passagers ! Il devient sous cet angle quelque peu paradoxale et intrigant que beaucoup d’études soulignent que le déficit d’intérêt pour les élections européennes relèvent très souvent d’un manque d’une vision d’utilité sociale et que dans le même temps peu d’initiatives permettent de mettre en avant cette approche. Le hiatus entre la macro-politique et les réalités liées au terrain est-il si abyssinal ? Beaucoup de personnes ont en tout cas au niveau local, y compris dans les Commissions consultatives communales d’intégration, des difficultés à trouver les ressources nécessaires à une telle approche. La conférence « L’impact des élections européennes sur le quotidien » qui sera organisée le dimanche 26 janvier à 15h00 en présence de Charles Goerens, député européen et d’Eduardo Dias représentant de l’Ogb-l ne pourra à elle seule venir combler toutes les attentes mais tentera d’apporter certaines réponses. L’accent sera mis sur les aspects qui concernent au plus près la situation des personnes invitées, à savoir tout d’abord ce qui touche l’immigration et la libre circulation, mais aussi les droits sociaux et les questions liées au travail.

Le deuxième aspect qui nous importait était de relier également cette conférence avec la convivialité. Le mot est aujourd’hui beaucoup utilisé et parfois galvaudé, mais il n’en demeure pas moins un aspect essentiel qui va au-delà du simple moment où tout à chacun partage un moment agréable en compagnie d’autres personnes. La convivialité est ici sans doute à inscrire dans une réflexion liée à la mise en acte de l’égalité et pourrait trouver sa source dans les premières élections démocratiques qui ont eu lieu au moment de la révolution française. À ce tournant, les élections ne consistaient pas uniquement à glisser de manière anonyme son bulletin ou sa part de souveraineté dans l’urne mais à également éprouver physiquement et collectivement, de manière souvent joyeuse et émotionnelle, l’égal-égalité de chaque citoyen. Elles donnaient lieu à de grands rassemblements qui pouvaient durer selon les circonstances plusieurs jours. Le chemin parcouru par la société, même s’il reste imparfait, nous fait souvent oublier qu’une telle occasion pouvait de facto symboliser une rupture profonde, une révolution en soi avec la société d’ancien régime intrinsèquement réparties en trois ordres. Il était précisément impensable de rassembler dans un même espace, les nobles déchus, le clergé malmené et l’ancien Tiers Etat. Renouer aujourd’hui avec cette tradition du rassemblement convivial nous force cependant, au-delà du sentiment d’égalité et des droits liés à chaque individu, à éprouver encore plus profondément notre commune humanité, à associer et partager sans détours, sous formes culinaire et autre, les cultures qui font que le Luxembourg, au-delà d’un pays démocratique, soit relier à lui-même, au monde et aux cultures qui l’inventent et le réinventent chaque jour.
Anita Helpiquet
In Horizon n°122, janvier 2014

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