Quand vous dites : « Husein Basić », tout le monde sait quels sont les objectifs d’une telle association.


Du 13 au 15 décembre, se dérouleront à Differdange les Rencontres des littératures et des langues du Luxembourg, PRIMOTS. La bibliothèque municipale, organisatrice de l’événement a choisi d’impliquer l’association Club littéraire Husein Basić. Nous avons rencontré Sead Ramdedović, secrétaire de l’association.

Quelles étaient les motivations pour créer une association autour de la littérature en référence à l’écrivain bosniaque Husein Basić ? Qui était-il ?
Nous étions quelques-uns, particulièrement intéressés par l’écriture et très enthousiastes à l’idée de réunir en une association tous les écrivains originaires des Balkans vivant et écrivant au Luxembourg. Créer une association, c’était aussi la nécessité d’avoir un éditeur, de pouvoir montrer en toute confiance nos écrits avant de les publier. L’association répondait également à un désir de partage, de coopération mutuelle, de conseils, de critiques. Voilà pourquoi, nous avons organisé, le 04 février 2013, une assemblée générale pour fonder l’association Club littéraire Husein Basić. 
Husein Basić est un poète et écrivain né en 1938 à Plav, au Monténégro. Il est le fondateur et premier rédacteur en chef de la revue Almanach, qui vise à protéger, étudier et rechercher le patrimoine culturel et historique des Bosniaques. Son roman Tudje gnijezdo (Le nid de quelqu’un d’autre) est inscrit au programme scolaire des écoles secondaires, ainsi qu’aux études de littérature de la Fédération de Bosnie. C’est un homme qui a passé sa vie à écrire sur l’histoire des Bosniaques, les massacres, les destructions subis par cette population. Certaines victimes vivent aujourd’hui au Luxembourg. Quand vous dites : «  Husein Basić », tout le monde sait quels sont les objectifs d’une telle association.

Pouvez-vous néanmoins expliquer ?
Le principal objectif de notre association est la préservatio­n du patrimoine culturel bosniaque. Les Bosniaques vivent dans toutes les régions de l’ex-Yougoslavie. C’est une population qui a beaucoup souffert de la guerre des Balkans (1912-13) et de celle des années 90. Les Bosniaques se sont vu refuser le droit d’exister, le droit d’avoir leur nom, leur histoire, leur culture, leur propre Etat. Tout ce qui a été créé durant des siècles a été dévasté, dissimulé. En ce qui concerne la littérature plus particulièrement, cette nation a donné quelques écrivains extraordinaires. Pour que leurs écrits ne disparaissent pas, il leur a fallu prendre la nationalité serbe. Les chansons et poèmes issus de la tradition héroïque épique constituent le plus grand patrimoine culturel bosniaque. Il a été systématiquement détruit. De cette tradition homérique, il ne subsiste qu’un seul enregistrement effectué par le poète Avdo Medjedović.

Quelles sont les activités de l’association ? Quelles difficultés rencontrez-vous ?
Nous aidons à la publication et à la diffusion des ouvrages d’auteurs de l’ex-Yougoslavie. Nous avons récemment édité le roman intitulé X ou Y écrit par Edit Agović, membre de notre Club littéraire. La première présentation de l’ouvrage aura lieu en novembre au Clae. Notre président Faiz Softić qui est un écrivain reconnu en Bosnie et Herzégovine, est très attentif à la qualité des ouvrages édités.
Les difficultés que nous rencontrons sont principalement de nature financière. Jusqu’à présent, nous avons organisé et financé personnellement nos projets. Nous n’avons pas de sponsors et n’avons toujours pas demandé de l’aide aux institutions luxembourgeoises.

Votre association collabore à la revue en bosniaque Bihor édité par l’asbl Zavicajni Klub Bihor. Pouvez-vous nous la présenter ?
La revue Bihor est le premier journal bosniaque au Luxembourg édité par le Club Bihor et nous en sommes fiers. Ruzdija Kocan qui est à l’origine du projet, l’avait conçu au départ comme un bulletin. Avec l’arrivée de Faiz Softić, qui est rédacteur en chef de la revue, et des auteurs membres de notre association, le journal a pris une autre dimension. La revue contient des articles sur l’histoire, la culture, les sciences, la politique, la vie courante en lien avec Bihor, la région d’où viennent la majorité des Bosniaques vivant au Luxembourg. La revue publie également un ou deux textes sur le Luxembourg et l’intégration des Bosniaques dans ce pays.

Quel regard avez-vous sur les littératures du Luxembourg ? Avez vous des contacts avec d’autres écrivains au Luxembourg ?
Parmi les auteurs luxembourgeois, il y a des créateurs exceptionnels que de grands pays peuvent envier, comme Guy Helminger et Jean Portante dont les œuvres me paraissent magiques. Je pourrais leur reprocher qu’ils n’écrivent pas dans leur langue maternelle, le luxembourgeois, bien que celle de Jean Portante soit l’italien. Je considère que le rôle des écrivains est de conserver et préserver leur langue maternelle. Nous avons déjà eu l’occasion de rencontrer Jean Portante. Faiz Softić a participé à plusieurs reprises avec lui à des soirées littéraires. Nous sommes une jeune association et le contact avec des écrivains luxembourgeois est un de nos objectifs. En ce sens, j’espère que les Rencontres des littératures et des langues qui auront lieu à Differdange en décembre seront une occasion d’échanges.

Justement, parlez-nous de ces rencontres auxquelles vous allez participer.  Comment s’est mise en place cette collaboration avec la ville de Differdange ?
Jean Philippe Ruiz du Clae nous a présenté Fio Spada, responsable de la Bibliothèque municipale de Differdange qui organise, depuis quelques années, avec la commission culturelle de la Ville, les Lundis littéraires. Elle nous a associé à l’organisation de PRIMOTS. Notre contribution à cet événement sera une rencontre avec quatre femmes du monde littéraire de l’ex-Yougoslavie : Diana Burazer (Croatie), Nadia Rebronja (Serbie), Hedina Tahirović (Bosnie-Herzégovine) et Ljubica Ostojic (Bosnie-Herzégovine). Elles évoqueront la situation des écrivaines dans les Balkans ainsi que l’importance de la langue maternelle dans la littérature. Une interprétation simultanée vers le français sera assurée.  Cette rencontre se déroulera le samedi 14 décembre à partir de 18h. Le voyage dans les Balkans se poursuivra par une belle soirée avec les chorégraphies musicales du groupe Selma et Selma. Le public pourra également rencontrer des auteurs de France, d’Italie, d’Espagne, du Portugal, de Roumanie, du Cap-Vert et du Luxembourg. On s’attend aussi à la présence d’un grand nombre d’amateurs de livres de partout dans le monde.

Propos recueillis par Claudine Scherrer
In Horizon n°121, novembre 2013

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