"On ressent dans la culture de ce pays cette idée de rassemblement, de métissage"


Rencontre avec Jaylson Spencer, Alda Batista, António Callixto et Cristina Silva, respectivement président et membres de l’association São Tomé e Príncipe au Luxembourg.

São Tomé e Príncipe est un pays assez méconnu. Pouvez-vous nous présenter cet archipel africain ?
Jaylson Spencer : São Tomé e Príncipe n’est effectivement pas très connu. C’est un très beau petit pays formé de deux îles, l’île de São Tomé et celle de Príncipe, ainsi que de quelques îlots, au large du Gabon et de la Guinée équatoriale.

António Callixto : Elles appartiennent à une chaîne de quatre îles, les deux autres faisant partie de la Guinée équatoriale. C’est intéressant de savoir que la ligne de l’équateur traverse l’îlot de Rolas, qui se trouve à peine à quelques kilomètres au sud de l’île principale, São Tomé.

Alda Batista : C’est un pays où il y a eu, au cours des siècles, un grand brassage de populations venues notamment d’Angola, du Cap-Vert, du Mozambique, de Guinée-Bissau, du Brésil et du Portugal. São Tomé e Príncipe a été une colonie portugaise jusqu’en 1975. Il est fréquent d’y entendre dire « on est tous des cousins ». On ressent dans la culture de ce pays cette idée de rassemblement, de métissage, d’appartenance à quelque chose de commun.

Jaylson Spencer : Je suis né et j’ai grandi à São Tomé. Mes parents sont venus du Cap-Vert et mon grand-père était anglais. Plus de 50% de la population est d’origine capverdienne et 80% a moins de 24 ans.

Les Saotoméens du Luxembourg, combien sont-ils ?
Jaylson Spencer : Au Luxembourg, il y a environ 80 Saotoméens. C’est une immigration récente. La plupart des personnes vivaient au Portugal et sont arrivées à la suite de la crise économique de 2008. Certains membres de notre association sont des Saotoméens des pays voisins.  

Alda Batista : Nous avons inscrit dans les statuts de l’asbl ce lien avec les pays frontaliers, à la fois parce qu’il n’y a pas beaucoup de Saotoméens au Luxembourg, mais aussi parce que l’Ambassade pour le Bénélux se trouve à Bruxelles. 

Comment est née votre association ?
Jaylson Spencer : En 2011, Paula Pombo, une des fondatrices de l’association, s’était lancée dans la récolte de matériel scolaire pour les enfants de São Tomé e Príncipe. C’est à ce moment là que l’idée de l’association est née. Elle l’a créée en 2013 avec Tomás Menezes, Isaías Teixeira et Vítor Belchior, qui en a été le premier président. C’est curieux de constater que c’est une association de culture africaine dont la majorité des membres sont portugais. J’aimerais cependant que plus de Saotoméens nous rejoignent.

Quels sont ses principaux objectifs ?
Jaylson Spencer : Notre premier but est d’aider les enfants et les personnes âgées de São Tomé e Príncipe. Le deuxième est de promouvoir la culture, la gastronomie et l’archipel. C’est important pour nous de faire connaître ce pays pour donner envie aux gens d’aller le visiter. J’ai cet espoir qu’un jour, peut-être, quelqu’un découvrira ces îles au milieu du monde et aura le désir de venir en aide à une école ou un hôpital.

Alda Batista : Un troisième objectif très important de notre association est celui d’entretenir et de développer le lien entre les Saotoméens mais aussi avec les autres cultures présentes au Luxembourg.

Quels types de projets de solidarité développez-vous ?
Alda Batista : Il y a trois ans, l’association a effectué un premier envoi de vêtements, livres et jouets. Nous avons l’intention de renouveler la démarche. Actuellement, nous recueillons des dons même si nous ne pouvons pas lancer une campagne, car nous n’avons pas de lieu de stockage, ni le financement pour le transport.

Jaylson Spencer:  Voilà aussipourquoi nous avons dû renoncer à un don de 80 lits avec matelas. Cela fait mal au coeur sachant les besoins de l’hôpital de São Tomé et notamment de la maternité, où nous savons que parfois deux mamans et deux nouveau-nés doivent partager un même lit.

Alda Batista : En tant qu’association, nous n’avons pas les moyens de faire des projets sur le long terme. Nous nous concentrons sur des projets d’aides ponctuelles, comme nous l’avons fait récemment pour la fête des enfants du 1er juin.

Jaylson Spencer : C’est une fête importante, plus importante que Noël. C’est à cette date que les parents achètent des habits neufs à leurs enfants. Cette année, nous avons organisé une fête spéciale dans une crèche de São Tomé.

António Callixto : Nous participons aussi au projet initié par le poète Carlos Cardoso « Aidez-nous à aider ». Ce sont des T-shirts que nous vendons à 15 euros dont 75% sont versés au profit des enfants et personnes âgées.

La rencontre avec ce poète saotoméen qui vit aux Pays-Bas a été particulière n’est-ce-pas ?
Jaylson Spencer : Oui, grâce à l’association Amizade Caboverdiana, nous avons rencontré Carlos Cardoso. Nos deux associations l’ont accueilli l’année passée pour présenter au Luxembourg son livre Poesia para Todos. à cette occasion, il a rencontré Alda Batista et tous deux ont co-écrit Somos Todos Primos – Um diálogo de emoções, paru en mars dernier et qui a été présenté au Salon du livre et des cultures au Festival des migrations. 

António Callixto : J’ajouterai que le livre a également été présenté au nom de l’association au Portugal en présence de l’Ambassadeur et du Consul du Luxembourg au Portugal, de l’Ambassadeur de São Tomé e Príncipe au Portugal ainsi que du Consul honoraire de São Tomé e Príncipe aux Pays-Bas.

La convivialité est également un facteur essentiel. Comment la mettez vous en mouvement ?
Alda Batista : Nous avons organisé quelques déjeuners fôrro c’est-à-dire des déjeuners traditionnels saotoméens. Cela nous permet de rassembler les gens, de faire connaître la culture et la cuisine saotoméennes. Notre prochain déjeuner fôrro sera en novembre, à l’occasion de l’anniversaire de l’association.

Jaylson Spencer : Depuis trois ans, nous participons au Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté. Notre stand propose des spécialités de notre pays et notamment le café de São Tomé qui est un des meilleurs au monde. Cette année, nous avons aussi invité deux chanteurs saotoméens des Pays-Bas, Ziley da Graça et Fúlvio Barros qui se sont produits sur la scène du festival. Grâce à eux aussi, des gens sont venus vers notre association.

Vos projets actuellement ?
Alda Batista : Après une année intense, nous sommes plutôt en train de faire une pause de réflexion,  ce qui nous permet de participer à la formation Imbrication organisée par le Clae et pour laquelle on est très reconnaissants. Nous souhaitons bien sûr continuer à créer des projets, mais on veut le faire correctement et pour cela il faut apprendre davantage. Nous voulons continuer à avoir la tête dans les étoiles, c’est-à-dire continuer à rêver, mais grâce à cette formation, nous aurons aussi les pieds sur terre.

Propos recueillis par Claudine Scherrer
In Faire Société Ensemble n°3, juillet 2016

Association São Tomé e Príncipe au Luxembourg asbl
151, rue de Warken L-9088 Ettelbruck
Tél. (+352) 691 21 40 10
astomepl@gmail.com
Site internet : astpl2015.wix.com/astpl


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